Les Assises de l’Outre Mer comprennent sept grandes thématiques, chacune étant traitée dans des ateliers spécifiques rassemblant des professionnels du secteur concerné et des acteurs de la société civile.
Ce jeudi, la quatrième réunion de l’atelier sur la jeunesse se réunissait pour dégager les priorités évoquées lors des trois réunions précédentes pour la jeunesse mahoraise.
Cette rencontre, qui devait dresser le bilan des réunions précédentes a toutefois laissé encore la place à quelques débats de fond sur les axes prioritaires à faire remonter à Paris. Ainsi, les e-mails de propositions reçus par la plate-forme des Assises de l’Outre mer citent à plusieurs reprises la transformation du CUFR en université de plein exercice, mais aussi la construction de deux antennes universitaires, au nord et au sud de l’île. « Il est peu cohérent qu’ils acceptent ça alors qu’on n’a même jamais eu les crédits pour deux salles de classe supplémentaires, écarte Laurent Chassot, l’ancien directeur du CUFR. « Il faut qu’on garde les pieds sur terre, abonde Didier Cauret, directeur de cabinet du vice-rectorat. Les propositions qu’on fait doivent nous laisser crédibles. Le maillage du territoire est assuré jusqu’au bac. Il faut développer le CUFR en étoffant les formations, et envisager de réelles améliorations pour les gens. Si on veut qu’une administration soit cohérente, il faut qu’elle soit un minimum concentrée » conclut-il, plaidant plutôt pour une amélioration du réseau de transports. Lesquels font d’ailleurs l’objet d’un atelier ad-hoc.
Autre problématique abordée : la scolarisation des jeunes. La représentante de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) constate qu’il est » très compliqué de scolariser les jeunes, quelle que soit leur situation administrative. Des choses reculent, il faut absolument renforcer l’information sur les dispositifs d’accès au droit commun » pour les armer contre la précarité, explique-t-elle.
« A Mayotte on a mis la charrue avant les bœufs en construisant des infrastructures pour les jeunes alors qu’ils ne sont pas cadrés quand ils n’y sont pas », rebondit Didier Cauret. Est venue sur la table la problématique des MJC pour lutter contre le « désœuvrement et l’oisiveté » et la proposition d’ouvrir les collèges en période de vacances. Deux options qui, si l’outil est présent, se heurtent aux questions de personnel formé, et de financement pérenne.
Le délégué de l’association Mlézi Maoré a quant à lui invité à « prendre en compte toute l’éducation informelle, centres sociaux, Madrasas ». Rejoint sur ce point par le directeur de la DJSCS Patrick Bonfils. « Il y a un besoin de reconnaissance de ceux qui ne sont pas diplômés dans un secteur, mais qui ont des compétences dans l’informel. Par exemple, le voleur de mobylette qui sait démonter et remonter un moteur et le faire démarrer, a des compétences qui sont valorisables sur le marché de l’emploi ». De l’humour, mais pas seulement, compte tenu du maillage de compétences qui s’acquièrent dans la rue, sans forcément prendre conscience qu’il est possible d’en faire un métier.
Six propositions, plus une
« Nous avons maintenant des priorités qui sont bien définies, il reste à fixer les moyens humains et financier, ce qui fera l’objet d’un travail en 2018, résume Patrick Bonfils.
D’abord l’accès à l’éducation pour tous, incluant la maîtrise des langues et ouvrir l’école vers l’extérieur, ce qui rejoint la mobilité. Ensuite, le renforcement des espaces sociaux et culturels, en prenant en compte l’éducation informelle (hors cadre de l’éducation nationale) et non formelle (celle de la rue). En troisième position, l’engagement des jeunes, qui nécessite dispositifs et accompagnement. Suit la communication « mieux informer et apporter l’information au plus près des gens », ce qui rejoint le 5e point, l’accès au droit commun, qui passe par la connaissance de ces droits Une des possibilités pourrait être la création de postes d’écrivains publics. Enfin, le 6e point concerne la structuration de l’accès aux soins pour les jeunes. La santé faisant elle-aussi l’objet d’un atelier spécifique.
Mais ces priorités, souligne en substance Patrick Bonfils, excluent ce qui reste la première préoccupation des jeunes de Mayotte, à savoir trouver un emploi. « Leur première préoccupation, c’est de trouver un emploi, ils veulent un boulot pour avoir de l’argent. » Cette préoccupation n’arrive qu’en 5e position en métropole où la priorité est d’être heureux avec sa famille. Cette situation critique où « l’urgence, c’est de manger », prive une partie de la jeunesse mahoraise d’autres envies et passions, et de la possibilité de faire des études. Un septième point a donc été ajouté en fin de séance : proposer une expérimentation à Mayotte sur le Revenu de Base. Proposer un revenu décent à tout un chacun sans condition d’emploi permettrait de libérer ces jeunes de la pression financière qui les empêche de vivre certaines choses, loisirs ou études. Cela pourrait aussi servir l’économie et le développement des entreprises locales en donnant à la majorité les moyens de consommer, et donc de créer de la croissance. Le tout en assurant la possibilité d’un développement et d’un épanouissement personnel qui pourraient endiguer violence et délinquance.
Tous les projets ne pourront pas être réalisés ni financés, d’autant qu’aucune enveloppe spécifique n’est allouée aux propositions issues des assises de l’outre-mer. On peut donc supposer sauf changement de politique, que seront retenues les propositions qui sauront utiliser des budgets existant, ou des fonds européens par exemple. Mais puisqu’on en est à définir des priorités et à proposer des outils, il est aussi permis de rêver.
Y.D.