Le procès de ce voleur récidiviste avait été renvoyé en novembre pour une expertise psychiatrique. Il faut dire que le jeune homme de 20 ans qui se présentait à la barre sous étroite escorte de gendarmerie, semblait avoir davantage sa place en hôpital psychiatrique qu’en prison. Mais l’expert l’a déclaré responsable de ses actes, tout en notant qu’il est « intolérant à la frustration », souffrant d’un « déséquilibre caractériel majeur » et qu’il était « énurétique jusqu’à l’âge de 16 ans ». Le médecin note toutefois qu’aucun trouble n’a « altéré son discernement » et s’est dit « démuni face à ce type de personnalité ».
Car c’est bien la personnalité du prévenu qui était en question lors de ce procès. Si la tentative de vol dans le magasin SNIE le 6 novembre dernier ne sort pas de l’ordinaire pour les gendarmes de M’Zouazia, le comportement du suspect en garde à vue la nuit suivante est, heureusement, plus exceptionnel. Du « jamais vu » même selon un des gendarmes qui a dû intervenir tôt le 7 novembre au matin car le gardé à vue cognait sur la porte de sa cellule.
En arrivant dans le couloir, les gendarmes découvrent alors de la matière fécale au sol, glissée sous la porte de la cellule. En en ouvrant, ils trouvent l’individu vêtu d’un simple tee-shirt, au milieu d’un scène insupportable. Des excréments avaient été tartinés sur le sol et les murs. Une croix gammée avait été dessinée sur un mur, elle aussi avec les fèces du gardé à vue. Ce dernier, à la barre, reconnaît les faits, mais affirme n’avoir « pas fait exprès » et dit ignorer le sens de ce symbole nazi qu’il aurait « vu au bord d’une route ». Il met ces agissements sur le compte de sa consommation de chimique. Chancelant à la barre à cause de son traitement neuroleptique, il ne sera pas à même de donner plus d’explications. Tout en insistant pour être jugé de suite. Fait rare, son état de faiblesse lui a valu l’autorisation de s’asseoir à la barre, les gendarmes lui ayant avancé une chaise à cet effet.
« Quand on dessine des dessins contestataires, qu’on ne comprend pas, avec ses excréments, est-ce qu’on a sa place en prison ? »
Des gendarmes qui ont pourtant eu fort à faire avec l’individu. Dès qu’ils le découvrent ainsi dans sa cellule, les militaires aident l’homme à se laver et lui donnent des vêtements propres pour le conduire au tribunal, mais il les souille en route, et affirme entre deux injures et menaces qu’il se déféquera de nouveau dessus si on le change encore.
« Il est clair qu’on a affaire à une personnalité complexe, mais responsable pénalement » note le procureur Courroye. « Il y a aussi cette problématique addictive qui éclaire cette personnalité. Il a déjà été condamné à quatre reprises, et n’a pas tiré les conséquences de ces condamnations, je crois que c’est une peine de prison avec un quantum important qu’il faut prononcer. »
Pour l’avocat Me Andjilani, défenseur du prévenu, il faut « insister sur la santé physique et mentale de mon client. Quand on dessine des dessins contestataires, qu’on ne comprend pas, avec ses excréments, est-ce qu’on a sa place en prison ? »
C’est pourtant à Majicavo que le jeune homme est parti à l’issue de l’audience, menottes aux poignets. A sa sortie dans 6 mois, il devra continuer à se soigner et ne pourra plus remettre les pieds dans le magasin où tout a commencé.
Y.D.