Saïd Kambi, en tant que membre des leaders du mouvement, s’étonne de la teneur du compte rendu fait par les missionnaires d’Annick Girardin au premier ministre, en tout cas de la bribe qui en est rapporté par l’hebdomadaire satirique qui évoque « un mouvement social pénétré par des islamistes radicaux ». « Je m’attendais à un rapport juste et honnête qui évoque les craintes des Mahorais, et non d’intimidation. La preuve qu’il est venu non pour écouter, mais pour dresser les Mahorais », juge Saïd Kambi.
Peu de doute pour lui, la personne visée par cette phrase extraite du « Canard », « c’est certainement moi, parce que j’ai tenu tête à Jean-Jacques Brot, c’est donc un règlement de comptes! ». La rencontre à Tsingoni s’est en effet mal passée, de l’avis de tous les acteurs. Des mots avaient été échangés, « il a essayé nous intimider en nous demandant de ne pas quitter la salle, comme s’il devait nous dompter. Je lui ai dit que nous ne voulions pas discuter avec un des préfets qui avait été en poste à Mayotte, et donc coresponsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Je veux préciser que quand Mahamoud Azihary évoque un préfet qui se conduit comme un gouverneur à Mayotte dans son livre ‘Mayotte en Sous-France’, c’est à Brot qu’il faisait référence ! »
Tariq Ramadan comme prof
Parallèlement, Patrick Roger, journaliste au Monde, qui a passé plusieurs jours à Mayotte lors de la visite de la ministre, a publié un article, qui prête à Saïd Kambi des prêches radicaux, « un torchon ! », s’exclame-t-il, en indexant « des Mahorais qui gravitent autour du mouvement » et qui auraient voulu lui nuire, « ils lui ont donné de fausses informations. Je n’ai tenu aucun prêche pendant le mouvement, seulement comme cela se fait toujours ici, des douhas ».
Comme nous l’avions rapporté, il a été élu il y a un mois, président de la toute nouvelle Fédération des associations d’éducation islamique de Mayotte, qui doit harmoniser l’enseignement de l’islam sur le département et doit être l’interlocutrice de l’Etat en matière religieuse.
S’il se défend d’avoir été un des incitateurs de la venue de Hani Ramadan en mars 2016, « on m’a convié en tant que traducteur », il a bien connu son frère Tariq Ramadan, « j’ai été son étudiant dans le cadre de la ‘Présence musulmane’ ».
« On crée un crime qui s’appelle ‘islam' »
A tous ces titres, il est observé de prés, on s’en doute, « les Renseignements Généraux sont venus m’interroger. J’ai aussi été suivi pendant 10 ans par la police ».
Il ne comprend d’ailleurs pas l’attitude de la France envers les frères Ramadan. Hani, qui a été expulsé l’année dernière, « et Tariq emprisonné pour des soupçons de viols. Pourquoi le ministre Darmanin sur lequel repose les mêmes charges ne subit pas le même sort ?! » Il dénonce, comme des soutiens de plus en plus nombreux au théologien suisse, « deux poids et deux mesures », « c’est son discours qui est visé en réalité. On crée un crime qui s’appelle ‘islam’ ».
Et selon lui, le compte rendu des missionnaires y participe : « Mayotte est loin de cette conjoncture internationale, et en indexant l’islam, on risque de favoriser l’émergence de jeunes irresponsables ». Sans compter qu’il est impossible d’observer le mouvement que sous ce seul prisme quand on sait sa composition macédoine.
S’il a été peu présent lors de la rencontre de mercredi entre élus, leaders et patronat, dans l’hémicycle, c’est que Saïd Kambi était sur le plateau de Mayotte 1ère pour l’émission Place publique. « Je me suis remis au travail avec les collègues de la mobilisation », conclut le DGS de Sada.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com