« Moi j’ai reçu l’invitation il y a deux jours seulement, et toi ?! » – « Moi, j’ai appris hier que j’intervenais ! »… Cet échange entre deux participants de la conférence-débat sur Les enjeux de la Protection de l’enfance à Mayotte, en dit long sur son impréparation, et explique que l’hémicycle ne soit pas bondé malgré un tel thème. Ce que nuance la nouvelle directrice du Centre national de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT), Mylène Joseph-Filin, organisatrice de la journée : « Cette rencontre a dû être repoussée en raison du conflit social, et reste une préparation des Journées Territoriales de l’Enfance, qui rassembleront tous les Outre-mer ».
Elles se tiendront à Mayotte, du 20 au 22 novembre 2018. Une volonté d’Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président du CD chargé de l’Action sociale et de la Santé : « Nous avions été invité à ces rencontres sur l’enfance en Guyane en 2016, et j’ai proposé que Mayotte en soit le prochain organisateur. L’idée est de tisser un réseau ultramarin qui portera nos problématiques communes sur le plan national ».
C’est aussi l’occasion pour élargir le débat dans notre zone, explique Antoissi Abdou-Lihariti, directeur de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) : « Les enjeux régionaux impliquent que nous convions les Comores et Madagascar. La vraie plus-value serait la prise de conscience d’un travail conjoint sur la protection de l’enfant. Car si l’ASE est étroitement liée au problème de la parentalité, elle ne peut se substituer aux parents ». Nous reviendrons ultérieurement sur ce thème qui a été longuement débattu lors de la conférence.
Ne pas créer de nouveaux cas d’isolement
Issa Issa Abdou en profitait pour faire un nouveau point sur les actions menées dans un contexte évolutif : « Le nombre de mineurs isolés évalué par le sociologue David Guyot se montait à 3.000 en 2012, mais depuis de l’eau a coulé sous les ponts ! », et d’autres ont du grossir leurs rangs. Depuis son arrivée, un schéma de l’Enfance a été adopté, les familles d’accueil ont été formées, multipliées, « il y en a 100 actuellement », les tiers-digne de confiance mis en place, comme l’Action Educative en milieu ouvert qui ouvre 400 places, ou la prévention spécialisée à Dembéni, « et bientôt, l’arrivée des Unités de vie et la PJJ vient de confirmer que l’appel d’offre a été lancé sur le Centre Educatif renforcé ».
L’actualité incite à aller plus loin : l’élu a rencontré à plusieurs reprise Sylvie Especier, en charge des questions sociales au sein de la Délégation interministérielle. Rappelons que toutes ces actions sont mises en place grâce à une compensation qui était due par l’Etat au conseil départemental depuis 2009, qui aurait pu l’affecter à d’autres postes : « Nous avons pris nos responsabilités, tout en appelant l’Etat à faire pareil en matière de lutte contre l’immigration clandestine. J’ai dit à la délégation que si nous arrivions à prendre en charge les enfants actuellement en souffrance, il ne faut pas que demain il y en ait autant. »
A vie dans leurs familles d’accueil
Revenant sur le nombre de mineurs isolés, « quasiment autant ici que sur le territoire national », Issa Abdou évoquait la circulaire Taubira de 2013, de solidarité nationale sur la prise en charge de ces jeunes entre département, « qui n’est pas étendue à l’Outre-mer », un peu comme il aurait jeté une bouteille à la mer : « Je suis conscient avec l’actualité qui revient sur les enfants de la Creuse, que l’intérêt de l’enfant n’est pas en métropole. Mais alors, où est la solution ?! »
Car si les familles d’accueil sont là pour assurer un relais, « à Mayotte, les enfants sont pris en charge ad vitam æternam. Ce n’est pas l’esprit de la loi, elle est détournée ici », constate l’élu.
La première urgence semble être de ne pas expulser un parent sans avoir l’assurance qu’il ne laisse pas derrière lui sa progéniture, qui va grossir les rangs des mineurs isolés.
De grandes décisions politiques sont donc encore attendues pour tenter de résoudre une situation qui continue à sembler inextricable. Le conseiller départemental indiquait notamment rencontrer Dominique Voynet, l’inspectrice générale de l’IGAS (Inspection générale des Affaires Sociales), qu’il connaît bien maintenant, avec laquelle il va aborder ce sujet, et sans doute, l’éventuelle évolution de statut du CHM pour tenter d’endiguer les naissances issues de parents étrangers.
Anne Perzo-Lafond
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