Ce samedi soir, vers 19h30, le ton monte entre deux jeunes, rue Saïd Kafé à Mtsapéré. Ils en viennent à peine aux mots, que l’un des deux sort un couteau, et le porte à son vis à vis au niveau du cœur, sous les aisselles. « La victime s’affaisse, mais a le temps de donner l’identité de son agresseur à son entourage, ce dernier est interpellé et placé en garde à vue », nous explique le commandant Stéphane Demeusy. Il s’agit d’un jeune né le 22 janvier 2002 à Anjouan, mineur donc, « il était sur le territoire depuis peu de temps, mais n’est pas en errance, puisque domicilié à Doujani 1 ». Les jours de la victime ne sont plus en danger, selon le policier.
Même soir, à quelques pas de là, à la sortie de la discothèque le Barfly, et même contexte avec un différent qui éclate entre deux jeunes à propos d’une fille. « Alcoolisés, ils se sont dirigés chacun vers leur voiture respective, en ont ressorti, l’un un couteau, l’autre une machette, et se sont portés des coups. L’un a un doigt sectionné, et l’autre le poumon perforé. » Malgré la gravité de la blessure, elle n’est pas mortelle.
Deux violences d’une gravité extrême, qui auraient pu mettre fin à leurs jours, pour des futilités. Et qui pose deux questions : celles de la détention d’armes blanches et de leur recours immédiat en cas de désaccord. « Un mineur de 16 ans n’a rien à faire avec un couteau dans la poche ! », s’agace de commandant Demeusy.
Réinstaurer la tranquillité
Il évoque des opérations en préparation : « Nous allons pratiquer des contrôles, sur réquisition du procureur, qui nous autorisera à fouiller coffres et voitures. » Le précédent procureur Joël Garrigues s’était interrogé sur la possibilité de sanctionner le port de chombo, cet outil à l’origine agricole, dans les zones urbaines. « Un agriculteur va porter son chombo de manière ostentatoire, nous ne pouvons pas confondre. Surtout que nous pratiquerons les contrôles en ville et de nuit. »
Des opérations qui devraient rassurer la population, alors que la réputation de Mayotte est à refaire en métropole. En témoigne un courrier qu’un lecteur originaire de l’île nous rapporte. Une de ses amies qu’il a connue au lycée, devait venir en juillet avec sa famille, mais elle s’excuse : « Coucou mon frère voilà ça fait déjà quelques jours que je voulais te dire mais je n’y arrive pas alors je me lance : nous ne pourrons pas venir à Mayotte cet été il y a trop d’insécurité là-bas, nous ne pouvons risquer quoi que ce soit pour nos enfants, il y a beaucoup de danger peut-être que vous ne vous en rendez plus compte mais je me renseigne beaucoup et même parmi mes collègues mahoraises, il y en a une, sa mère lui a dit cet été de ne pas venir.
Une de nos amies que tu connais, qui est professeur dans un collège en Bretagne a deux élèves Maoré dans sa classe. Elle leur a dit que j’allais à Mayotte cet été ils ont tout de suite dit, ‘non mais madame, il ne faut pas qu’elle y aille, elle le regrettera moi ma mère est là-bas j’ai eu très peur, je n’y retournerai plus’. » Elle explique ensuite qu’elle craint pour ses deux jeunes enfants, « c’est trop loin trop cher pour qu’on ne puisse pas profiter à fond de nos vacances avec vous. C’est une belle île, on se rend compte qu’on ne pourra pas faire grand-chose. »
Au commissariat de police, on évoque des évolutions conséquentes dans la lutte contre la délinquance, « les chiffres sont bien meilleurs. Mais en refusant la transparence sur les actes pendant plusieurs années, on a créé de la méfiance et alimenté le sentiment d’insécurité, qui a pris le dessus », analysait le commissaire Jos. La transparence, c’est justement un des points de la Plateforme de la mobilisation sociale, « nous en avons pris note », indiquait Antoine Poussier, le « monsieur sécurité » de la Délégation interministérielle. Pour l’instant, aucune consigne particulière n’a été donnée à la police nationale. Attendons de connaître les remontées de la rencontre à Matignon le 19 avril.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com