A l’Assemblée nationale actuellement, des opinions totalement opposées s’affrontent autour du projet de loi Asile-Immigration. Certains députés comme Danielle Obono, La France Insoumise, reprochant un « tri entre bons et mauvais migrants, (…) Continuerez-vous à construire des murs? », quand d’autres comme Marine Le Pen agitent la « submersion territoriale ».
Deux tendances dont le député mahorais Mansour Kamardine, se gardait lors de son intervention : « En ce début de XXIème siècle, abolir les frontières ou construire des murs hermétiques sont les deux périls qui nous guettent, ici et ailleurs. Ne prenons pas le risques de ‘se perdre par ségrégation murée dans le particulier, ou par dilution dans l’universel’, disait Aimé Césaire, dont la sagesse est à propos, ce 17 avril, jour du 10ème anniversaire de sa disparition. »
Il appelait en conséquence à ouvrir grandes les portes « lorsqu’il s’agit d’asile politique », et reproche au projet de loi son flou dans ce domaine, pour ne pas apporter « de solution décisive pour restaurer l’exercice d’un droit d’asile digne de notre exigence morale. Car il n’enraye pas la confusion entre ce qui relève de l’asile et des choix de vie des individus. »
L’exemple de Mayotte vu côté chiffre ne peut que secouer les parlementaires, « nous comptons environ un tiers de Français, un tiers de Comoriens en situation régulière et un tiers de clandestins. 74% des naissances à Mayotte sont issues de mères étrangères », mais aussi dans l’accès aux services publics, « L’Etat est en échec dans ses politiques éducatives, de santé, de sécurité et d’aménagement du territoire », exposait Mansour Kamardine.
Recadrer le regroupement familial
Qui en déduisait pour ses orateurs, l’impact qu’aurait pour ces mêmes politiques, mais en métropole, l’arrivée massive de migrants africains : « L’Afrique compte aujourd’hui 1,2 milliard d’habitants, demain le double. La pression migratoire ira donc croissante. Si la France n’est pas en mesure de faire face à la pression migratoire de moins d’un million de Comoriens vers Mayotte, (…) séparées d’un point à l’autre par 70 kilomètres de pleine mer, comment l’Europe pourrait-elle faire face à la pression migratoire de 2.5 milliards de personnes, portant sur des milliers de kilomètres de côtes, alors que la distance entre les deux continents n’est que de 14km à Gibraltar et de 70 kilomètres avec le territoire italien de Pantelleria ? »
Le député présentait donc Mayotte comme « un test pour la France et l’Europe », et demandait que dans le cadre de l’article 73 de la Constitution autorisant un droit d’adaptation, des « solutions innovantes de maîtrise des flux migratoires » soient appliquées.
Il en propose d’ailleurs quelques unes, qui donneront lieu à des amendements, « cosignés par des collègues de différents groupes politiques, y compris de la majorité » : « l’application à Mayotte de certaines dispositions pénales déjà en vigueur en métropole, l’application du droit commun par la suppression des titres de séjours d’exception délivrés à Mayotte qui condamnent les détenteurs à stationner à Mayotte, la lutte contre le détournement massif du droit de la nationalité et du regroupement familial à Mayotte, l’éloignement des fauteurs de trouble à l’ordre public. »
Réussir avec l’existant avant d’élargir
Prenant le temps de répondre personnellement à chaque député, c’est totalement en phase avec la situation critique à Mayotte que se montrait Gérard Collomb, surtout qu’elle appuie les grandes tendances de sa loi : « S’il y a bien un lieu où l’on peut voir ce qu’il pourrait arriver de meilleur et de pire, c’est votre île. Si on est incapable d’apporter des solutions à l’immigration irrégulière, alors naît la violence, les fractures, c’est aujourd’hui ce qui se passe à Mayotte. »
Une position dont on est en mesure d’attendre des mesures d’envergure autre que des « éléments de réponse au cours des débats », annoncés par le ministre, qui souhaite que « Mayotte retrouve un élan et ne soit plus victime des fractures comme aujourd’hui. » Un exemple qui sert sa cause, dont il faut espérer qu’il ne sera pas oublié demain.
On pourrait d’ailleurs dresser un autre parallèle, en reprenant une des déclarations de Gérard Collomb dans la même soirée d’échanges sur l’immigration maîtrisée ce mardi : « Nous voulons construire une société et des quartiers de la mixité. Si demain des personnes en plus grande difficulté arrivent par milliers, on ne pourra pas changer la ville ». A Mayotte, de la même manière, les acteurs locaux, des associations à l’éducation nationale, en passant par les structures judiciaires et de protection de l’enfance, se démènent pour prendre en charge les jeunes, isolés ou non, issus de l’immigration, actuellement sur le territoire. Mais sont « submergés », pour reprendre le terme de Kamardine, par des arrivées continues.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com