Compteurs illégaux, un danger « réel et permanent »

Branchements faits maison, câbles électriques tirés en zones dangereuses, le fléau de la rétrocession… Face à une situation intolérable et aux dangers pour la population, EDM change de cap.

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le directeur général d’EDM (électricité de Mayotte) Fady Hajjar.

Sécurisation des installations électrique (©EDM)

En 6 mois, les pompiers sont intervenus 70 fois sur des principes d’incendies provoqués par des problèmes électriques dans le département. Cela équivaut à 3 incendies par semaine, déclenchés par des mauvais branchements ou des câbles en surchauffe. « Aujourd’hui, la situation à Mayotte nous fait très peur, le danger est réel », s’inquiète le directeur général d’EDM (électricité de Mayotte) Fady Hajjar. Arrivé aux manettes en septembre dernier, M Hajjar compte prendre des initiatives  rigoureuses pour endiguer le fléau de la rétrocession, c’est-à-dire le fait de permettre à quelqu’un d’autre de se brancher sur son compteur électrique. Alors que Mayotte compte plus de 250 mille habitants, le fournisseur d’électricité du département ne peut justifier que de quelques 43600 clients. La dernière enquête de l’Insee, qui date de 2013, estimait à 22.000 les habitations qui n’ont pas leur propre compteur et prennent leur énergie ailleurs, même si revendre son électricité est un délit, puni de 3 ans de prison et jusqu’à 45.000€ d’amende.

Risques de brûlures, électrocutions et incendies

Le problème, du côté d’EDM ne vient pas des pertes économiques, qui seraient dérisoires : « Nous facturons toujours la consommation électrique », assure le directeur, « au pire nous ne recevons pas le prix de l’abonnement, qui ici est très bas, mais c’est plutôt le consommateur qui perd de l’argent ». La personne qui met son compteur à disposition le fait généralement sur la base d’un forfait, autour de de 50€, alors qu’EDM facture entre 10 et 20€ pour la même consommation,
abonnement compris. Mais les vrais soucis viennent du manque de sécurité provoqué par la rétrocession. « Ces branchements, faits en toute illégalité, sont très dangereux. On retrouve des câbles tirés sans aucune précaution dans des caniveaux, donc à risque inondation et électrocution. En plus d’être de mauvaise qualité, certains câbles sont tirés entre les arbres et frottent contre les branches, ce qui à terme peut provoquer des brûlures, des électrocutions et des incendies. »
le directeur général d’EDM (électricité de Mayotte) Fady Hajjar.

Alors qu’EDM ne peut assurer la sécurité des installations que jusqu’à 60 m du branchement, les techniciens ont constaté des situations ahurissantes, où le logement desservi est situé à 2km du poteaux et du compteur. Le matériel utilisé n’est pas non plus de la meilleur qualité, il n’y a presque jamais de mise à terre dans les branchements faits maisons. Les fils peuvent surchauffer et le plastique flamber très facilement.  «Nous avons des responsabilités, il ne faut pas se mentir. Nous avons fermés les yeux pour permettre aux habitants d’avoir de l’énergie électrique mais aujourd’hui nous ne pouvons plus tolérer certaines choses, c’est trop risqué. »
« Il faut que cette illégalité cesse »
Pour lutter contre la rétrocession de l’électricité, l’entreprise compte mettre en place une campagne d’information sur le territoire, dès le mois prochain et déployer une équipe dédiée d’ici la fin de l’année. Des rencontres sur le territoire sont déjà en cours: « Il faut promouvoir une prise de conscience de l’importance de la loi et rappeler qu’en cas de problème, c’est le rétrocesseur qui est responsable et non EDM. » La société s’engage aussi à accompagner toute personne qui souhaite régulariser sa situation et l’aider à mettre en conformité son installation ou son vieux compteur. « Si le logement est aux normes, c’est-à-dire qu’il se situe sur une zone constructible et le propriétaire peut fournir l’équivalent d’une autorisation d’urbanisme, nous pouvons intervenir très rapidement. » Malheureusement, beaucoup d’habitations alimentées illégalement se trouvent en zone inondable ou dangereuse ou ont été édifiées sans permis. C’est pourquoi le fournisseur d’électricité prévoit de travailler en coordination avec les collectivités locales, à qui il demande non seulement de faire un état des lieux précis mais également de rappeler les normes aux administrés pour toute future construction. « Nous souhaitons que les habitants de l’île régularisent leur situation là où ils peuvent le faire, ce qui est souvent le cas. Mais nous programmons aussi des interventions là où il y a trop de rétrocessions. Au vu du danger réel et permanent, nous n’avons pas le choix, il faut que cette illégalité cesse. »
LN

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