Délinquance : la PJJ a accompagné 843 jeunes en 2016, dont les mineurs incarcérés

Comment éviter que sortie de prison rime avec récidive pour les mineurs ? Qui sont les jeunes relevant de la PJJ ? Et quelle est cette structure qui allie à la fois protection et justice ? Liliane Vallois, sa directrice, nous ouvre la porte d’un service qui fait un peu office de deuxième parent pour le jeune délinquant.

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Un jeune pris en charge par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), ça peut être le vôtre, celui de votre frère, de votre cousine. La drogue, une fugue, une adolescence mal vécue, autant de conséquence de ce qui est à l’origine un manque affectif, une absence d’encadrement, le divorce des parents, le choc de les avoir vu s’agresser, ou plus tragiquement, se noyer en kwassa. Sans accompagnement, la descente vers la délinquance est rapide, du petit vol, à l’homicide intentionnel. Une fois interpellé, c’est le magistrat qui va le confier à la PJJ.

Ils ont été 787 à avoir été jugés pénalement en 2016, sur les 843 jeunes suivis, dont 400 ont été présentés devant le procureur de la République, donc pour des faits plus graves. « C’est beaucoup ! », relève Liliane Vallois, la Directrice de la PJJ Mayotte, qui nous a accordé un entretien pour lever le voile sur l’activité de ses services. Ce sont à 96% des garçons, et majoritairement des 16-17 ans, et qui habitent pour prés de la moitié dans le grand Mamoudzou, « mais nous en avons de plus en plus de Petite Terre ». Plusieurs « unités » prennent en charge le jeune.

Les « urgentistes » de la PJJ, c’est la Permanence éducative auprès du tribunal (PEAT), ils sont deux agents, joignables 24h sur 24h, pour prendre en charge des jeunes qui ont commis un délit important ou qui ont récidivé, « ils risquent généralement la prison. » Leur rôle est primordial puisque c’est leur recueil de renseignements socio-éducatifs qui va éclairer le magistrat dans sa prise de décision, « ce dernier suit généralement leur préconisation ».

On le sait peu, mais 60% des jeunes en détention le sont pour des faits criminels, notamment pour meurtre, « une proportion plus importante qu’en métropole », bien que la tendance ne soit pas à l’aggravation du phénomène, « les faits sont en hausse, mais pas leur gravité. Nous avions eu des actes de torture par le passé », rapporte Liliane Vallois. Il y aurait un peu moins de 10 homicides par an, intentionnels ou non.

Une dizaine seulement de mineurs isolés

60% des jeunes incarcérés le sont pour des faits criminels

Parallèlement, un travail éducatif est fait avec le jeune au sein des 2 Unités Educatives en Milieu Ouvert (UEMO), « l’éducateur va suivre ses relations avec sa famille, ses proches, c’est avec eux qu’il propose un suivi. » Chacun s’engage ensuite, le jeune à reprendre l’école ou la formation qu’il suivait, et les parents à remplir leur rôle. Un contrat qui peut changer beaucoup de choses, puisqu’un même délit peut être puni différemment : « Si le contrat est suivi, et ici les jeunes sont plus réceptifs qu’en métropole, la peine prononcée ne sera pas la même que dans le cas contraire. Donc, cela peut aller de la simple admonestation au placement en Centre Educatif Renforcé à La Réunion. »

La grande majorité des jeunes ont des parents ou des référents parentaux, mais dont certains ne s’occupent pas, « une dizaine seulement sur les 850 sont des mineurs non accompagnés, sans parents, ni référents. »

On le sait peu, mais des mesures de réparation directe sont souvent prononcées, sur les lieux du délit, ou auprès de la victime, « une aide ponctuelle à la famille qu’il aura volée par exemple, encadrée par un éducateur », 300 jeunes ont été concernés.  S’il commet un nouveau délit, il passe alors devant le juge des enfants. Ceux qui ne seront pas régularisables à leur majorité, sont préparés à repartir.

Educatrice dans l’âme, Liliane Vallois n’est pas pessimiste : « Plus de la moitié de la population a moins de 18 ans à Mayotte, or, sur 130.000 mineurs, seuls 850 sont délinquants, cette société ne s’occupe pas si mal de ses enfants ! » La PJJ peut désormais prendre en charge tous les jeunes que lui présentent les magistrats, « il y a deux ans, un tiers de l’activité n’était pas suivie. Nous avons donc massivement recruté, en passant de 20 à 60 agents en 5 ans », se félicite-t-elle. Des candidatures sont posées sur son bureau, mais toutes ne seront pas acceptées : « Certains titulaires n’ont pas le profil pour venir à Mayotte, nous avons une majorité de contractuels, que nous formons. Ils deviennent même très bons puisque sur 30 reçus au dernier concours national, 4 viennent de Mayotte. »

La PJJ, une bonne recette

L’équipe mahoraise au fourneau pour le parcours du goût

La PJJ a sous sa compétence le Quartier des mineurs de 30 places de la prison de Majicavo, « constamment plein, la preuve qu’il y a une réponse pénale forte », lance-t-elle à l’endroit des critiques. Tout est fait pour préparer le mineur à sa sortie et prévenir la récidive, des ateliers, des cours pour qu’ils puissent passer le Brevet : « C’est souvent la première fois qu’un adulte pose un regard sur eux, qu’ils prennent un repas en communauté. Il y a une forte déshérence affective. »

Autre branche de la PJJ, l’Unité Educative d’Hébergement diversifiée (UEHD) regroupe 24 familles d’accueil des jeunes, « chacune prend en charge un jeune, exceptionnellement deux, et sont juste indemnisées pour les frais, ce sont des personnes qui ont envie de faire une œuvre sociale. »

Enfin, l’Unité Educative d’Activité de Jour (UEAJ), propose une petite formation, non qualifiante, pour les jeunes exclus de tous les dispositifs de droit commun. Etablie sur deux sites, Cavani et petite Terre, sa capacité de 24 jeunes, avec une volonté de le passer à 36, lui a permis d’en prendre en charge 42 en 2017. On les a vu lors de la construction du voilier Multimono, « ils ont aussi remis en état les locaux, ou participé au concours national ‘Parcours du goût’ dans le cadre de l’atelier cuisine. Ils ont d’ailleurs décroché il y a deux mois le prix Michel Sarran de la meilleure recette, coaché par Fabien Gimenez », le chef du Panna Cotta.

2.000 signalements non traités par le conseil départemental

Liliane Vallois: « Cette société ne s’occupe pas si mal de ses enfants ! »

On le voit, Mayotte se dote de plus en plus des moyens d’accompagnement des jeunes délinquants. L’objectif du retour sur le « droit chemin » est-il atteint ? « Moins d’un quart de ceux suivis en UEMO, réitère, ils sont la moitié sur l’UEAJ, notamment en raison du déficit de structures d’insertion. » « On en aurait moins au pénal si un vrai travail de prévention était fait. » Sans compter de graves manquements, « il y avait en février dernier 2.000 Informations préoccupantes* non traitées par le conseil départemental, c’est énorme ! » Non prises en compte, ce sont des délinquants en puissance. Liliane Vallois garde espoir, « il y a eu depuis de nombreux recrutements de la part d’Issa Abdou et un vrai travail d’Abdou Antoyssi, le directeur de l’ASE. »

Le Centre Educatif renforcé (CER), c’est pour bientôt, fin 2018. Il permettra de placer des jeunes pendant 5 mois, « il sera d’abord isolé de son entourage, puis nous reconstruirons avec lui, notamment autour des règles d’hygiène, se brosser les dents, faire son lit, pour ensuite le raccrocher peu à peu à la société civile. Le problème, c’est l’après CER, il faut développer les structures de formation. »

La démarche éducative de la PJJ vient suppléer l’absence physique ou morale des parents, ce sont bien eux qu’il faut toucher en priorité.

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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