Nous avions pointé cet injuste référence au PIB de 2014 pour Mayotte dans le budget outre-mer pour 2019, quand celui de 2016 était utilisé pour les autres Départements d’Outre-Mer. L’INSEE vient de réparer ce retard, et plus même, puisque ce n’est pas le cru 2015 qui nous est proposé ce mercredi, mais 2016.
Cet indicateur qui mesure la production économique d’un territoire, parvient à quantifier la richesse produite. Le PIB s’élève à 2.322 millions d’euros à Mayotte en 2016, « une hausse de 7,2% par rapport à 2015 ». Ramené par habitant, il progresse que de 3,2%, pour atteindre 9.220 euros. Un montant « très éloigné du niveau national qui est 3,5 fois plus élevé », modère l’INSEE.
De plus, Mayotte ne produisant pas grand chose, il n’y a pas vraiment lieu de se réjouir. « L’augmentation du PIB est portée par celles de la consommation des ménages et des administrations publiques. La valeur ajoutée des administrations publiques croît de 8,3 % en un an, celle générée par les sociétés de 7 %. »
Une consommation soutenue artificiellement
La hausse de l’indexation des salaires qui a atteint son maximum de 40% au 1er janvier 2017, en soutenant la consommation, explique la croissance du Revenu Disponible Brut des ménages (RDB, la somme des salaires, des revenus mobiliers et immobiliers, des prestations sociales à laquelle on retranche les cotisations sociales et les impôts), + 7,6 % en 2016. Le pouvoir d’achat par habitant augmente lui, de 3,4%.
La consommation des ménages est donc le premier moteur de la croissance du PIB : elle contribue pour 5 points à l’augmentation du PIB. Elle progresse de 8,8 % en 2016. Elle représente ainsi 55 % du PIB, soit une part proche de celle observée au niveau national (52 %).
En hausse de 6,6 % en valeur sur un an, la consommation des administrations publiques est le second moteur de la croissance à Mayotte en 2016 : elle contribue pour 4 points à l’augmentation du PIB. Elle correspond aux services fournis par les administrations, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. Particulièrement dynamique à Mayotte, la dépense de consommation finale des administrations publiques représente 56 % du PIB et pèse donc largement plus qu’au niveau national (24 %). Le faible développement du tissu économique privé dans l’économie mahoraise en est la principale explication.
Trop d’importation nuit à la santé
L’investissement recule de 2 % en 2016 et s’établit à 319 millions d’euros. Cette baisse s’explique à la fois par une diminution de l’investissement des entreprises non financières qui se concentre sur quelques entreprises et par un recul de l’investissement des ménages.
Fortement déficitaire, la balance commerciale continue de peser négativement sur le PIB : le solde du commerce extérieur atteint – 581 millions d’euros, soit 25 % du PIB. Ce ratio est comparable à celui observé dans les autres départements d’outre-mer.
Essentiellement constituées des dépenses des touristes qui séjournent à Mayotte, les exportations pèsent peu (30 millions d’euros) et se maintiennent. Dans le même temps, la dépendance de Mayotte aux importations est toujours aussi forte et contribue négativement à l’évolution du PIB en valeur en 2016 (- 1 point).
Les entreprises ne contribuent que pour 27%
En 2016, la valeur ajoutée dégagée par les sociétés progresse de 7 %. Elle représente ainsi 27 % du PIB. Ce ratio reste très éloigné des standards nationaux (55 %).
Les rémunérations des salariés de ces sociétés augmentent un peu moins vite que leur valeur ajoutée en 2016 (+ 5 %). De son côté, la valeur ajoutée dégagée par les ménages représente 21 % du PIB en 2016. La moitié provient du service de logement (loyers réels ou imputés). L’autre moitié est générée par des entrepreneurs individuels qui exercent dans les secteurs de l’agriculture, du commerce, de la santé et de la construction.
On le voit, notre économie est donc toujours très dépendante de la consommation des ménages et de celle des administrations publiques. Cependant désormais, pour porter la première, le rattrapage de l’indexation étant aligné sur les autres DOM, seules les prestations sociales peuvent encore augmenter, ce qu’elles ont fait en 2016, de 11 %, et représentent 9,7 % du RDB en 2016, très loin néanmoins de la part mesurée au niveau national (36 %), c’est prometteur. 2016, c’est aussi « l’Annus horribilis » pour les taxes foncière et d’habitation qui ont augmenté de 18 %, modérant ainsi la hausse du RDB. Cette année, on peut compter sur la baisse des impôts fonciers pour continuer à doper le pouvoir d’achat.
En dehors de ces ajustements fiscaux et sociaux qui boostent la consommation, il faut donc toujours trouver des leviers de croissance autres, pour que les sociétés dégagent de la valeur ajoutée et participent plus activement à la croissance du PIB.
A.P-L.
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