En novembre 2013, nous avions titré « Fonds européens : « la réussite réunionnaise est-elle transposable à Mayotte ? », en mettant en avant l’AGILE, l’Agence de Gestion des Initiatives Locales en matière Européenne de La Réunion. Ce 9 octobre 2018, soit 5 ans après, dans la synthèse des ateliers réunissant les techniciens des deux départements français, on pouvait lire, « Cellule partenariale AGILE, un modèle à reprendre »…
Entre les deux dates, peu d’évolution vers le schéma réunionnais. La préfecture a hérité d’une autorité de gestion des fonds européens dont le Département ne voulait pas, en jonglant plus ou moins bien avec les fonds, « plutôt bien pour le FEDER puisqu’on est en tête des RUP, et en deçà pour le FSE », rappelle le préfet Dominique Sorain qui tente en « reprenant l’instruction des dossiers », de récupérer quelques années d’errance dans les services de l’Etat.
Décrocher l’agrément
Alors le conseil départemental en récupérant la gestion des fonds européens 2021-2027 qui lui incombe, fera-t-il mieux ou moins bien que la préfecture ? En tout cas, il s’agit de l’avenir de son territoire. C’est pour préparer l’échéance que le président du Département de Mayotte Soibahadine Ibrahim Ramadani a souhaité se rapprocher de son homologue réunionnais, quasiment 1er de la classe des RUP en terme de gestion des fonds européens, en l’occurrence le conseil régional présidé par Didier Robert.
L’enjeu est multiple. Tout d’abord, négocier la prochaine enveloppe européenne, « et à deux ans de l’échéance, nous sommes dedans », souligne Didier Robert. Ensuite, pour être autorité de gestion, il faut obtenir l’agrément de la Commission européenne. Compliqué si l’on en croît le retard avec lequel la préfecture de Mayotte l’avait obtenue. Il va donc falloir structurer les services du Département, ce qui explique le vaste plan de formation prévu sur le principe.
Car nous n’en sommes qu’au principe, mais ancré cette fois, et ce n’est pas seulement la longue accolade entre les chefs d’exécutif qui le prouve, ou leur signature au bas d’un parchemin pour cette demande en mariage, mais une formation déjà engagée, puisque des techniciens mahorais sont actuellement à La Réunion en formation.
La Réunion comme médiateur
On ne sait pas encore combien de techniciens, ni le montage des structures de gestion, et donc le montant de l’investissement, mais on sait qui va payer : le Fonds de solidarité européenne, peu dépensé encore, que devra mobiliser l’autorité de gestion qu’est encore la préfecture de Mayotte, et le CNFPT, le Centre National de la Fonction Publique Territoriale. « Ici à Mayotte, il faut accomplir ce qui a été fait au cours de 40 à 70 ans de décentralisation ailleurs. Or, gérer des fonds européens, c’est un métier, ça s’apprend ! », avertit le préfet Dominique Sorain.
Toute intentionnelle qu’est cette déclaration, elle représente « l’affirmation de la France dans l’océan Indien », comme le soulignait Dominique Sorain, ce qui n’est pas une petite affaire à l’heure des tensions diplomatiques avec les Comores. Et justement, en priorisant l’entraide sur les fonds Transfrontalier et Interreg, 12 millions d’euros sur ce dernier, qui concernent les échanges « gagnant-gagnant » avec Madagascar et l’Union des Comores, La Réunion va pouvoir « apporter son expertise », et agir comme partenaire de coopération régionale. De quoi dénouer des tensions…
Rendez-vous mi-décembre à La Réunion pour signer la Convention de partenariat institutionnelle ancrant définitivement la coopération entre les deux collectivités.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com