Joli combat de karaté qu’offrait aux invités le club Kyudonkan de Petite Terre pour cette inauguration des premières Assises du Sport. Une présence massive du Comité départemental Mahorais de karaté, fort de ses 8 clubs et 800 licenciés, venus réclamer une infrastructure dédiée aux arts martiaux « pour pouvoir accueillir des compétions régionales et internationales », nous expliquait Tostao son président, et des dojos aux normes.
C’est à dire une demande de moyens supplémentaires d’à peu près toutes les fédérations sportives à Mayotte, qui pâtissent d’installations déficientes et en pieux état, faute d’entretien. Résultat, très peu de percées, « et les exploits de certains sportifs ne doivent pas occulter la réalité ». Cette mise en garde, c’est le président du Département qui la fait, la preuve qu’une prise de conscience est peut-être en marche : « Le sport mahorais est en deçà de la moyenne nationale, et même régionale. De 2007 à 2015, Mayotte a obtenu 19 médailles, quand il y en a eu 610 à La Réunion, 472 à Madagascar et 27 pour les Comores. Nous sommes donc derrière les Comores ! », appuyait-il, en mettant en relief le « déficit abyssal en matière d’équipements sportifs, un pour 666 habitants à Mayotte quand le rapport est de un pour 193 habitants en métropole. »
Déficit d’équipements pour les sports individuels, détérioration de la plupart des installations, induisent une impréparation des sportifs liée à la précarité, « du coup, ils déménagent en métropole. »
Le « combattant Mayotte », poids léger, ceinture bleu-lagon
Ce qui traduit la volonté politique, c’est la rédaction de plan et de schémas, pour ensuite budgétiser les besoins. On va être servi donc, avec l’annonce du Schéma directeur des Equipements sportifs, pour le 1er trimestre 2019, et le Schéma du développement du sport, d’ici fin 2019.
Madi Vita, président du Comité régional Olympique et Sportif (CROS), voit dans la candidature de Mayotte comme territoire organisateur des Jeux des Iles de l’océan Indien en 2027, un objectif pour répondre à la nécessité de « structurer le milieu sportif, proposer des équipements manquants et rénover l’existant. La marge de progression est énorme. »
S’adressant à Jean-Marc Mormeck, Patrick Bonfils, directeur de la Direction de la Jeunesse et des Sports, qui représentait le préfet de Mayotte retenu par la présence de la ministre du Travail à Mayotte, prononçait un discours remplis d’uppercuts à l’image d’un combat de boxe : « Nous sommes sur un ring. Actuellement dans les cordes en train de se relever, le combattant Mayotte, poids léger, ceinture bleu-lagon, short vert-nature. Les premiers rounds ont été difficiles dans un combat inégal contre plusieurs adversaires dans la catégorie poids-lourd : manque de moyens, manque de stratégie, manque de prospective, et, en cours de combat, entrée sur le ring d’une démographie galopante et d’une crise sociale. »
Représenter la France à l’extérieur
Un discours à la fois « hommage au grand sportif » Jean-Marc Mormeck, mais aussi critique contre un état des lieux qui a bien failli « mettre Mayotte KO », visant, même s’il ne le dira pas expressément, un manque de volonté politique, à travers l’abandon à « l’adversité », « c’est normal, c’est comme ça à Mayotte. »
Le champion du monde rappelait qu’il l’était devenu à force de volonté, « bien qu’issu du 93 à Bobigny ». Et rappelait les enjeux qui vont bien au-delà du sport : « Gagner des compétitions permet de devenir ambassadeur d’une nation. Vos jeunes représenteront la France quand ils remporteront des médailles. Or, on ne peut pas leur demander de s’améliorer s’ils n’ont pas d’installations à la hauteur ».
Devant les journalistes, Jean-Marc Mormeck avoue avoir pensé que les descriptions qu’on lui faisait à Paris des conditions dans lesquelles s’entrainaient les sportifs étaient exagérées, « j’ai été très surpris hier de voir que c’était leur réalité. » Il note une « réelle prise de conscience politique. Il faut déjà rattraper le retard », indique-t-il.
Nous lui avons posé une question plus globale sur sa mission à Mayotte et sur l’inégalité dans un territoire, qui a longtemps été l’oublié de la République : « Tout ce que je vais noter fera l’objet d’un rapport, comme à chacune de mes visites en Outre-mer. Mais je ne peux pas deviner les injustices si on ne me fait pas remonter de plainte. Il faut que les acteurs m’écrivent à la Délégation ministérielle. » Or, d’après nos renseignements pris auprès de sa délégation, très peu de demandes remontent de Mayotte, contrairement aux autres DOM. Il faut donc savoir créer les conditions d’une égalité des chances, à commencer par les signes d’une volonté politique forte sur le territoire.
Anne Perzo-Lafond