Les taxis peuvent se faire une place au soleil avec Caribus

A Mayotte, pour se rendre d’un point à un autre, les usagers remettent leur destin dans les mains des taxis. Sur le Grand Mamoudzou où la révolution des transports en commun est en marche, les élus leur proposent un accompagnement.

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Mohamed Hamissi, Mohamed Moindjié et Kamardine Mansour, unis pour parler de l'avenir des taxis

Alors que les bus scolaires sont sous les feux de l’actualité, on s’active en coulisse à la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou, la CADEMA, pour mettre en place les transports en commun urbains, « nous avons hérité de cette compétence par la loi NOTRe », souligne Mohamed Hamissi, le chef de projet Caribus.

Question : comment intégrer au plan de transport, les taxis, qui assuraient jusqu’ici un service de transport en commun ? Ou ne l’assuraient pas pour beaucoup d’entre eux. Nous ne parlons pas de celui qui pousse plus loin pour déposer ses clients à domicile, mais de celui qui les ignore superbement alors qu’ils attendent, valise en main et sous la pluie, qu’un véhicule accepte de les prendre. Et chacun œuvre dans son coin, les fédérer semble compliqué.

« C’est le bazar, nous allons mettre de l’ordre ! », annonce un Mohamed Moindjié, gonflé à bloc. Si le vice-président de la CADEMA s’exprime ainsi, c’est que sur 640 licences attribuées par la préfecture, seulement 340 taxis sont en circulation sur l’île, « dont 200 sur Mamoudzou », complète le vice-président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat et acteur de la Fédération Taxis Vanille, Mansour Kamardine, homonyme de notre député, « ils attendent la mise en place du réseau de transport en commun pour les rendre actives ». Moyennant quoi, la préfecture bloque toute délivrance de licence.

La station de taxi à la barge

A Mayotte, et ce serait dommage de perdre cette spécificité, le taxi est collectif, c’est à dire qu’on apprend au cours de ces déplacements, les derniers potins du village, ce qui ne manque pas de charme, mais parfois d’ambition. Pour savoir ce qu’attend la clientèle des taxis, et avant de savoir ce qu’ils vont devenir, une grande enquête va être menée sur 5 semaines, confiée à CRéA’PéPITES, dirigée par Soifaoui Loutfi.

Le compteur va tourner

Pour cerner la clientèle-type des taxis, un pré-sondage sera effectué auprès de 200 personnes, pour élargir ensuite l’échantillon à 1.000 lors de l’enquête, sondées sur les 20 arrêts de la communauté d’agglo, en kibushi et shimaoré : « Nous avons deux objectifs, évaluer la performance des taxis, notamment le temps d’attente, et l’indice de satisfaction auprès des usagers ». Les sondeurs porteront un tee-shirt « Enquêteurs CADEMA étude taxi ».

L’idée finale est d’accompagner la mutation des taxis, « en terme de compétence, de savoir être, de savoir vivre, etc. » Le rapport sera livré d’ici début février.

Une enquête avec un échantillon représentatif, annonce Soifaoui Loutfi

Car la mutation va être conséquente. Pour pouvoir survivre malgré les transports en commun qui vont directement les concurrencer, il va falloir basculer vers un mode proche de la métropole, « nous allons nous équiper de taximètres* », au moins en terme de service à domicile. Avec la facturation qui va avec…

« Un taxi gagne en moyenne 120 euros par jour sur le Grand Mamoudzou, et 80 euros en allant vers l’extérieur. Nous pourrons donc être conventionnés sur un forfait », explique Mansour, « par exemple pour un montant de 3.000 euros par mois, une sécurité financière non négligeable », complète Mohamed Moindjié. L’enquête devra le montrer, mais on pourrait être sur un schéma de multiplicité de transport, « du multimodal, avec soit la totalité du transport en taxi, soit partiellement, jusqu’à un arrêt de bus, pour poursuivre ensuite avec la barge, etc. », détaille Mohamed Hamissi. Car pour l’instant, aucune solution rassurante quant à sa ponctualité, ne s’offre à une vieille dame de Koungou qui a un rendez-vous médical à l’hôpital. Ils ont l’autorisation de transporter des personnes malades ou handicapées. Il y aura aussi des transports collectifs à la demande.

Une case à cocher pour son avenir

« C’est la révolution pour les taximen », prévient Mohamed Moindjié

« Nous entrons dans une ère de changement total de comportement chez les taximen dans les années à venir », se réjouit Mohamed Moindjié.

Nous ne sommes donc plus dans l’opposition transport public-transport privé, mais dans une complémentarité… pour ceux qui acceptent ce changement : « Tous ne viennent pas aux réunions, nous avons du mal à avoir un unique interlocuteur chez les taximan, chacun cherche son intérêt », déploraient les intervenants. « Sur 340 taxis en circulation, seuls 90 sont adhérents à la Fédération taxis Vanille, et je peux vous dire que nous avons été étroitement associés au projet Caribus », rapportait Kamardine Mansour.

Une deuxième enquête est donc directement destinée aux patrons des taximen, dont la question centrale : « Quelle place souhaitez vous avoir à la mise en place de Caribus ? Rester taximan ? Devenir exploitant transport ? Etre son sous-traitant ? Travailler directement avec la CADEMA ? Devenir salarié ? » Trois réponses sont possibles.

Beaucoup de choses restent à border, notamment le mode de pénétration des taxis arrivant de l’extérieur du territoire de la CADEMA, « comment utiliseront-ils nos arrêts ? Il faut travailler ensemble avec le conseil départemental auteur du PGTD sur ces sujets », et Mohamed Moindjié concluait sur la condition sine qua non, que le projet Caribus aboutisse : « J’espère qu’il sera lancé en 2019, pour inaugurer le 1er bus en 2022. Il en va de la reconnaissance de notre compétence de consommation des fonds. »

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

* Appareil de mesure mécanique ou électronique installé dans les taxis

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