C’est sur fond de nouvelles lettres flambant neuves qui affichent 8 ans après sa dénomination, « Conseil départemental », en lieu et place de « Conseil général », que les vœux étaient lancés dans les jardins du département. Une nouvelle enseigne qui fera taire les peurs provoquées par le toilettage institutionnel toujours en cours. Pas un mot dessus d’ailleurs, le président l’a juste évoqué devant les médias, en gardant le cap : « Achever la réforme institutionnelle de 2010, du côté départemental en allant au but de la convergence, notamment en terme de droits sociaux, mais aussi du côté régional, dont nous n’avons pas encore récupéré toutes les compétences et les dotations. » Une mission parlementaire est attendue sur ce sujet le mois prochain.
L’année 2018 fut celle d’une « mobilisation exceptionnelle de la population », demandant plus de sécurité, une lutte efficace contre l’immigration clandestine et l’adoption de mesures de développement, pour lesquelles le président salue l’engagement du gouvernement « sans précédent pour Mayotte » et « l’implication en haut lieu » de la ministre Annick Girardin. Il en ressort un « dialogue constant et apaisé avec l’Etat » – le président rencontre le préfet chaque mois- « qui a permis, dans les moments difficiles de trouver ensemble les réponses ».
Pour que le quolibet de « conseil gérémal » ne soit plus qu’un mauvais souvenir, la réorganisation des services commencée en 2014 puis revue à la suite de nouvelles observations de la Chambre régionale des Comptes en 2017, se poursuit avec la nomination de nouveaux directeurs, dont les derniers seront connus fin janvier. La maîtrise des charges de personnel est passée par la diminution du nombre d’agents, « de 3.900 en 2015 à 3.100 en avril 2018 ».
Davantage de recettes… et de contrôle
En 2018, le résultat de fonctionnement pourrait largement dépasser 50 millions d’euros. Fruit d’une baisse des dépenses de 2015 à 2017, et de rentrées financières supplémentaires, comme les droits de transferts de propriétés* passant de 9 à 37 M€ de 2015 à 2018, l’abandon de la créance de 14 millions d’euros détenue par l’Etat sur le Département au titre de l’impôt sur le revenu 2013, la compensation par l’Etat du transfert de l’octroi de mer vers les communes, les 9,6 millions d’euros annuels de l’Aide Sociale à l’Enfance et les 14,5 millions d’euros des PMI, le Plan d’Investissement compétence de 27 millions d’euros sur 5 ans, etc.
Un contrôle du budget qui sera accentué en 2019 par la signature d’un contrat avec l’Etat sur la maitrise de la dépense.
Plusieurs équipements ont été réalisés, comme le mur de soutènement de la route de Vahibé, l’achat des amphidromes Kahani et Polé, ou les réhabilitations de plusieurs voiries rurales pour une enveloppe de 8.2 millions d’euros.
« Mayotte, carrefour des civilisations au cœur du Canal du Mozambique », c’est la volonté de « repositionner Mayotte dans son essence originelle » en s’appuyant sur des évènements tels que le salon du livre, les tables rondes sur les langues régionales, ou la Conférence scientifique des civilisations du Canal du Mozambique, et désormais inscrit dans le cadre stratégique de coopération voté en octobre 2018. Avec des résultats attendus, énoncera-t-il plus tard.
En 2019, courtiser Exxon Mobil
Pour 2019, l’accent du Département portera sur les infrastructures, notamment grâce au contrat de convergence Etat-Mayotte 2019-2022. Réfection des routes départementales, lancement du transport interurbain terrestre et maritime, construction du Centre de formation de sportif de haut niveau, d’une piscine départementale à Kawéni, du bâtiment des Archives départementales et du Centre de recherche et de documentation scientifique, à Mroalé, ou d’une école de formation maritime à Dzaoudzi, d’une cité agricole Agropolis, le Très Haut Débit dans les établissements du secondaire, les établissements de santé (PMI et CMS) et les zones d’activités (ZAE), « 55 sites vont ainsi pouvoir bénéficier du Très Haut Débit et des nouveaux usages qui étaient autrefois impossibles à imaginer. Ce vaste chantier s’étendra jusqu’en 2022. » Certains de ces projets étaient inscrits aux vœux 2018.
Le président a voulu « s’attarder sur la formation », qui reste un des talons d’Achille de la collectivité. La formation professionnelle tout d’abord, bénéficiera de nouveaux instruments : le plan d’investissement dans les compétences doté de 21 millions d’euros sur 4 ans, et du Fonds Social Européen d’une enveloppe totale de 62 millions d’euros, « dont seulement 27% ont été programmés à ce jour ». L’insertion passera par une contractualisation avec les partenaires, et la formation universitaire bénéficiera d’un investissement vers les filières d’excellence, « études de santé, grandes écoles, ingénierie et recherche. »
Le grand projet régional vise la production de gaz au Mozambique. « Le Département a été sollicité pour proposer ses infrastructures portuaires en matière d’entrepôts, mais aussi d’équipements de santé et de sécurité en cas de besoin. Nous sommes les plus proches pour fournir ce type d’aides ». Des réserves gigantesques de plus de 5.000 milliards de m3 de gaz ont en effet été découvertes au large des côtes mozambicaines. Le Mozambique ayant signé l’année dernière des accords d’exploitation pétrolière et gazière avec notamment Exxon Mobil, le président Soibahadine de rêver que le géant américain investisse, dans des cliniques privées à Mayotte, « c’est un marché à 100 milliards de dollars sur 20 ans, saisissons l’opportunité ! »
Anne Perzo-Lafond
* Droits de mutations à titre onéreux