Il y a la température constatée et la température ressentie. Pour ce qui est du mercure de la délinquance, force est de constater que les chiffres des méfaits et la sensation de violence sont en décalage pour une partie de la population, comme l’illustre l’appel à la manifestation contre la violence du jour.
Pourtant, au premier semestre la délinquance générale à Mayotte est bien en baisse de 11,7 %. Les faits constatés passent de 4 677 à 4 128. C’est la zone police qui marque le plus fort recul avec 392 faits en moins, contre une baisse de 157 en zone gendarmerie.
Les violences sont également en diminution de 8,6 % (de 1 621 à 1482 faits) entre les deux semestres. Les violences physiques crapuleuses, telles que les vols avec violence, enregistrent un plus léger recul de 6,1 % contre -12,6 % pour les « violences physiques non crapuleuses ». En revanche les violences crapuleuses enregistrent une légère augmentation. Le colonel de gendarmerie Philippe Leclerc met en parallèle cette donnée avec la baisse des cambriolages. « Les maisons sont de plus en plus protégées, il est plus facile pour les délinquants de s’attaquer physiquement aux personnes », en témoignent les agressions de touriste dans le sud de l’île.
Les cambriolages sont donc également en baisse sensible de 20,39 %, de 613 à 488 faits, plus largement les atteintes aux biens diminuent de 11,88 %. Il est à préciser que tous les faits constatés sont comptabilisés dans ces chiffres, pas seulement les dépôts de plainte.
« C’est la deuxième année de baisse, on peut dire aujourd’hui qu’il y a un arrêt de la progression de la délinquance », appuie le préfet Dominique Sorain.
Sur le ressenti d’une aggravation continue de la délinquance pour une partie de la population, le préfet répond que « pour les victimes cette baisse est bien sûr insignifiante, mais sur la durée on voit l’amorce » de la baisse.
Pas de lien entre délinquance et arrêt des reconduites
Le procureur Camille Miansoni attribue cette « tendance à la baisse [du] fait du travail des services [de police et de gendarmerie, NDLR] sur tous les terrains », précisant lui aussi que « c’est une tendance déjà observée en 2017 ».
Sur le terrain justement et dans les bureaux d’enquêteur, les effectifs de police et de gendarmerie devraient atteindre 1 050 en septembre, soit 100 de plus qu’il y a un an. Au-delà de l’augmentation numéraire des forces de sécurité, le préfet souligne l’importance de la mise en place du plan de sécurisation des établissements et des transports scolaires. La mobilisation citoyenne pour la baisse de la délinquance a également été saluée par le représentant de l’Etat à Mayotte, tout en soulignant que les 11 collectifs de citoyens constitués ne doivent pas se substituer aux forces de l’ordre. Leur action va être pérennisée et encadrée par la police et la gendarmerie dans un rôle de prévention de la délinquance.
« Il y a encore beaucoup à faire, il y a encore trop de délinquance pour la population », nuance le préfet. En ce sens, une zone de sécurité prioritaire verra ses instances de pilotage installées au 1er septembre 2018.
Les chiffres de la lutte contre l’immigration clandestine sont eux aussi à la baisse et c’est une moins bonne nouvelle pour les forces de sécurité. Il y a par exemple eu moitié moins de kwassas interceptés entre les 1ers semestres 2017 et 2018.
Mais la situation géopolitique n’a elle pas eu de conséquences ni d’incidence sur la délinquance. Depuis 21 mars 2018, l’Etat comorien refuse d’accueillir ses ressortissants expulsés de Mayotte. « Il n’y a pas de corrélation entre l’impossibilité des reconduites et une hausse de la délinquance », note le commissaire Jos pour la zone police. Du côté de la justice, le procureur de la République Camille Miansoni souligne « qu’il n’y a pas d’afflux de délinquants venus des Comores ».
Les reconduites étant impossibles vers les Comores, les chiffres des « éloignements » sont également en baisse de 28,64 %, à 6454 au premier semestre 2018. Néanmoins, le Centre de rétention administrative (CRA) continue de fonctionner pour des personnes, minoritaires, de nationalité autre que comorienne. Pour les Comoriens sans-papiers interpelés, ils peuvent être retenus quelques jours, mais sont ensuite remis en liberté, après s’être vu notifier une obligation de quitter le territoire français. Une soixantaine de personnes sont retenues au CRA actuellement.
Faute de reconduite possible, le travail des forces de l’ordre tend à se déplacer vers l’ensemble de « l’écosystème » de l’immigration clandestine. Ainsi les services de police et de gendarmerie ont récemment démantelé 6 filières, de reconnaissance frauduleuse de paternité, de passeurs ou encore de marchands de sommeil.
Axel Lebruman