Depuis qu’Ida Nel a remporté la Délégation de Service public (DSP) lui confiant la gestion du port de Longoni, elle a réussi le tour de force d’exercer également la manutention par le biais de sa société Manu-Port. Ce qui pouvait s’apparenter à un conflit d’intérêt, mais ce n’est pas sur cet axe que le conseil d’Etat a tranché, la déboutant sur la légitimité du recours en référé (en urgence) introduite par Manu-Port auprès du tribunal administratif de Mayotte.
Nous avions retracé la saga qui a porté la femme d’affaires sud-africaine à la tête d’un supra-monopole, celui de gestionnaire et de manutentionnaire du port, après qu’elle eut changé son code APE, modifiant son secteur d’activité. Pour exercer la manutention au moyen de grues et RTG achetés en défiscalisation. Or, c’est une facilitation de l’Etat censé inciter à la création d’emplois et qui encadre de manière stricte l’utilisation du matériel par la gestionnaire du port.
« Le juge des référés a commis une erreur de droit »
Le cahier des charges de la DSP n’étant curieusement pas clair au sujet de la manutention, le président du conseil départemental Soibahadine Ibrahim Ramadani avait tenté de protéger le manutentionnaire historique, la société SMART, en refusant le 18 février 2016 d’agréer Manu-Port. La société attaquait cette décision au tribunal administratif en référé. Et obtenait gain de cause le 28 octobre 2016. Le conseil départemental portait l’affaire au conseil d’Etat.
Qui a statué le 22 décembre dernier en estimant que le juge des référés avait commis « une erreur de droit », Manu-Port n’ayant pas fait la preuve qu’un jugement en urgence était justifié : « Pour demander la suspension de la décision qu’elle attaque, la société Manu-Port se borne à soutenir qu’elle est empêchée, du fait du refus d’agrément, d’exercer une activité de manutention dans l’enceinte du Port de Longoni, sans apporter aucun élément, relatif notamment à la nature et à l’étendue de ses activités, à son chiffre d’affaires ou à la situation de ses salariés, de nature à établir que ce refus porterait gravement atteinte, à brève échéance, à sa situation économique ou de trésorerie. Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence ne peut être regardée comme satisfaite. Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par le département de Mayotte, la demande de la société Manu-Port ne peut qu’être rejetée. »
La société est condamnée à verser au département de Mayotte la somme de 3.000 euros au titre des frais de justice. Un jugement qui n’intervient donc pas sur le fond, mais qui pourrait mettre en difficulté la société Manu-Port sur l’exercice de toute activité de manutention, notamment pour la compagnie CMA-CGM avec qui elle est sous-contrat. Pour Me Jorion, avocat de MCG, le département il faut revenir au 14 novembre 2016, date à laquelle le département a autorisé MCG à délivrer un agrément à sa filiale. « L’accord du département comme l’agrément de la société MCG sont des décisions créatrices de droit », qui pouvaient être contestées « dans un délai de deux mois ». Le conseil départemental ne pourrait donc pas revenir sur son accord d’autoriser MCG à délivrer un agrément. Pour le conseil, cet avis du conseil d’Etat n’aura aucune conséquence concrète sur l’agrément dont bénéficie Manu-Port. Ce qui n’est pas l’avis de la partie adverse qui estime que désormais, le président du Département aurait le champ libre pour annuler son autorisation provisoire.
Rajoutons que sur cet avis, aucun recours n’est possible contre la juridiction suprême qu’est le conseil d’Etat.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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