Éducateur à expulser

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Le cours de taekwendo
Le cours de taekwendo

Le visa de Saïd expire dans douze jours. Ce Grand Comorien, qui travaille bénévolement auprès des jeunes de Mayotte depuis plusieurs années et qui a effectué la majeure partie de sa scolarité sur l’île, se heurte au refus de séjour de la Préfecture, malgré les promesses d’embauche de plusieurs associations. 

« Respect, persévérance, discipline, maîtrise de soi et tolérance », voilà les valeurs qu’enseigne Saïd avec ferveur aux jeunes de Mayotte depuis 2009. Cet homme, Grand Comorien arrivé en kwassa avec sa soeur alors qu’il était tout jeune, a mené une scolarité exemplaire à Mayotte jusqu’au baccalauréat. Depuis, Président de la Ligue de Taekwendo de Mayotte et ceinture noire, il est le maître d’art martial de plus d’une centaine de jeunes Mahorais, entre Sada et Mamoudzou.

« Les enfants ! Au lieu de jouer, installez les tatamis. Allez, on commence l’échauffement ». Avec une infinie douceur, Saïd alterne discipline et apprentissage. Entre deux souffles, deux exercices d’envol acrobatique, le maître inculque aux enfants quelques leçons de vie essentielles : « Le petit doit respecter le grand, le grand doit respecter le petit. Il ne faut manquer de respect à personne ». Et les gamins, entre 5 et 7 ans, de se saluer respectueusement, tête en avant, de suivre consciencieusement les injonctions de leur professeur et de crier, enfin libérés, lors de l’exécution d’un enchaînement compliqué. « Ce qui me plaît, c’est le dynamisme des jeunes. Qu’ensemble, on puisse avancer. »

Promesses d’embauche

Plusieurs pétitions restées lettre morte, une promesse d’embauche de la MJC de Sada, une autre de l’association Ciné Musafiri – une association pour l’éducation à l’image… La Préfecture reste de marbre : elle refuse d’accorder un nouveau titre de séjour à Saïd, pourtant véritable médiateur auprès des jeunes qui oeuvre avec les associations depuis plusieurs années, notamment en service civique. « On demande juste qu’il puisse rester », supplie Kamardine, le président de l’association de taekwendo de Mamoudzou.

Quant à Saïd, il avoue, avec une certaine pudeur, être « très déçu ». « Je contribue bénévolement à l’éducation des enfants de Mayotte et l’Etat refuse de me régulariser. Si je n’obtiens pas de titre de séjour, je rentrerais aux Comores. Et il ne restera certainement pas grand-chose du taekwendo à Mayotte alors que c’est un art martial en plein développement sur l’île. » Rien qu’à Mamoudzou, il y a une soixantaine de licenciés. Et trois des élèves de Saïd sont devenus Champions d’Auvergne de taekwendo dans leurs catégories respectives.

Et, au-delà des titres, il y a évidemment ces valeurs fondamentales que prône le taekwendo. Valeurs qu’il est vital de transmettre aux jeunes de Mayotte. Inutile donc de pousser des cris d’orfraie sur le manque de médiateurs et de structures pour les jeunes si c’est pour reconduire à la frontière des hommes comme Saïd.

Ornella Lamberti

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