Abdou Soibaha était un gamin de la misère. Il pourrait devenir un professionnel du golf. Il vient d’arriver à Toulouse pour suivre une formation après avoir vaincu de multiples obstacles administratifs. Les nombreuses personnes qui l’ont accompagné dans son parcours sont aux anges.
Abdou est né sous une bonne étoile. Arrivé à l’âge de sept ans à Mayotte en kwassa, il vivait dans un banga, du côté de Combani, un quotidien difficile, à se cacher des uniformes et à se jouer de la misère. Mais sa grand-mère, toujours bienveillante à ses côtés, lui a transmis le bonheur comme une certitude. «Tu sais Abdou, lui a-t-elle dit un jour, dans ta vie, tu feras toujours de belles rencontres et elles te mèneront à réussir tes rêves.»
Et ces rencontres, celles qui changent le cours d’une existence, il les a faites.
A 13 ans, habillé de rien et pieds nus, il a pris ses habitudes au terrain de golf de Combani. Il imite les pros comme les joueurs du dimanche du practice mahorais. Avec des balles perdues et des bâtons, il s’initie à la pratique d’un sport qui lui était jusqu’alors parfaitement inconnu.
Son habileté autant que sa gentillesse intrigue Jean-Philippe et Carole, le directeur de l’époque et sa femme. Bien vite, il est adopté. Il devient l’enfant qu’ils n’ont pas, des parrain et marraine de cœur.
Un gamin particulièrement doué et passionné
«Chez lui, il n’avait pas d’eau, pas d’électricité, pas grand-chose, se souvient Carole. On l’a fait jouer et c’est par le biais du golf qu’on l’a scolarisé, qu’on l’a protégé.» Le couple lui donne un accès à la télévision, lui raconte la métropole, lui montre Tiger Wood. Jean-Philippe lui apprend les techniques et lui donne l’envie de rêver : «Un jour, tu auras des papiers, tu seras un pro du golf et tu voyageras.»
«C’était un gamin particulièrement doué à l’école et il était passionné, relève Carole. Quand il se levait, il était au golf. Quand il se couchait, il était au golf.»
La vie éloigne Jean-Philippe et Carole de Mayotte vers La Réunion. Abdou continue son petit bonhomme de chemin jusqu’à l’arrivée de Benjamin Bruneau, le nouveau directeur du golf de Combani, il y a sept mois. « En 2005, j’aivais monté un dossier pour insérer le golf dans les banlieues et faire passer les valeurs du golf aux jeunes, se souvient-il. Avec Abdou, c’est un peu la concrétisation de ce projet, le sentiment d’être vraiment utile. Abdou, il était plein de talents, il fallait juste lui donner une chance »
Benjamin Bruneau se lance, avec David Hervé de la Direction Jeunesse et Sport de Mayotte, dans un marathon administratif invraisemblable. Mission locale, Pôle emploi, sécurité sociale… six mois d’un véritable combat face à l’administration pour faire valoir le potentiel du jeune homme et lui obtenir les documents nécessaires.
Il intègre l’école de golf de Toulouse
Car, malgré les obstacles, Abdou a passé avec succès les tests pour intégrer la formation de BPJEPS* de golf de Toulouse. L’examen a été spécialement organisé à Mayotte, aussi bien pour l’épreuve écrite que pour l’oral, réalisé par Skype. «Ils ont été surpris à Toulouse par le degré de réflexion qu’il pouvait avoir autour du golf, de la pratique sportive mais aussi du sport en général», s’enthousiasme David Hervé, jeunesse et sport.
En janvier, Abdou s’est envolé vers Toulouse pour 18 mois, avec un billet financé par Ladom** et une bourse complétée par le Rotary à hauteur de 200 euros par mois. Son dossier de sécurité sociale a finalement été régularisé il y a à peine 10 jours.
Si tout se passe bien, il devrait rentrer à Mayotte en juin 2015 avec un BPJEPS de golf et peut-être Brevet d’Etat.
S’il obtient ses diplômes, Abdou pourra vivre du golf, donner des cours, former des jeunes et pourquoi pas, un jour, diriger un golf. Il se murmure qu’il aurait déjà une proposition d’embauche à Combani, là où tout a commencé.
RR
*BPJEPS : Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport
**LADOM : L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité