Enfance en danger : la justice soliloque dans la douleur

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"La bombe a déjà explosé"

Le problème envahit consciences et services de la justice qui se trouvent démunis : comment sensibiliser les services du Conseil général à l’errance de ses enfants ? Les arguments sont pourtant porteurs, mais la salle d’audience était vide d’acteurs en cette audience de rentrée au Tribunal de grande instance…

Joël Garrigue : "les parents engagent leur responsabilité pénale"
Joël Garrigue : « les parents engagent leur responsabilité pénale »

Il est un sujet sur lequel s’accordaient, et ce n’est pas coutume, magistrats et avocats du Tribunal de Mamoudzou : l’absence dommageable des élus du Conseil général de l’audience de rentrée du Tribunal de grande instance (TGI). Que les élus aient déserté une salle où ils auraient entendu parler de leur plus grosse défaillance, la prise en charge de la jeunesse, c’est possible.

Car le combat contre la délinquance des mineurs, impliqués dans 93% des cambriolages, était le sujet central des discours prononcés, du procureur à la présidente du Tribunal : «y a-t-il un  directeur de l’Aide Sociale à l’Enfance ?» s’exclamait Marie-Laure Piazza qui retraçait le sort de ce petit garçon de 2 ans handicapé, déposé au dispensaire et laissé plusieurs semaines à l’hôpital sans que quelqu’un vienne le chercher.

L’ASE est un service du département chargé de dépister les enfants en danger, «or, nous avons sensiblement le même nombre de signalement que l’année dernière, 527, une goutte d’eau, et ils sont remontés par le milieu scolaire», critiquait Joël Garrigue, le procureur.

La protection de l’enfance est une de ses missions, «que j’assume en collaboration avec le département. Ses services doivent auparavant recueillir les informations préoccupantes, contacter les parents et, en dernier recours, me solliciter». Les deux premières étapes étant inexistantes, les enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes et sombrent dans la délinquance : «certains clament qu’ils relèvent de l’action de l’Etat dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine, mais 75% des mineurs dont est saisi le juge des enfants sont de nationalité française.»

Une salle vide de représentants du Conseil général
Tous les acteurs concernés par le problème de l’enfance n’étaient pas là

Le procureur est arrivé il y a un mois à Mayotte, mais il en a déjà cerné quelques problématiques : «qu’on ne vienne pas me dire qu’ils ont obtenu cette nationalité par facilité, car avec ce raisonnement, beaucoup d’entre nous, à commencer par moi, ne seraient pas français ! Et de toute façon, ce sont des enfants en danger». Deux arguments qui referment le parapluie déployé par les services sociaux du Conseil général pour protéger leurs dépenses qu’ils ne veulent pas affecter à des enfants issus de l’immigration clandestine.

« Colère du procureur » contre « enfants du juge »

Sur le sujet de la démission parentale liée à la peur d’être jugé en cas de correction trop violente, syndrome des «enfants du juge», «c’est la colère du procureur qui risque de leur répondre», indiquait Joël Garrigue qui entend responsabiliser des parents pénalement responsables.

"La bombe a déjà explosé"
« La bombe a déjà explosé »

Plus tard Marie-Laure Piazza rappellera la mise en garde du documentaire «Les enfants perdus de Mayotte» : «ça y est ! la bombe a explosé ! On y est !» Tout en passant à une étape supérieure que n’ont pas encore franchi tous les élus : la grandeur de la société, «elle se mesure à son comportement vis à vis des plus démunis. Merci à Tama, aux Orphelins d’Auteuil, au Secours Catholique ou à la Croix Rouge d’agir à la place des professionnels».

C’est amère que la présidente du Tribunal de Grande Instance, en mal d’interlocuteurs,  concluait : «empêchons les d’espérer, faisons leur perdre leur confiance dans les adultes, mais ne demandons pas ensuite des comptes à la justice quand ils volent et quand ils tuent !»

Une situation catastrophique et un thème qui devient de plus en plus prégnant dans les audiences solennelles du Tribunal, et pour lequel plusieurs participants appelaient une reprise en main par l’Etat.

Anne Perzo-Lafond

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