On croit souvent qu’elle appartient à un moyen-âge lointain. Il n’en est rien. La lèpre sévit encore dans l’Océan indien. Mayotte est même un des territoires les plus concernés au monde. Etat des lieux d’une maladie endémique.
La lèpre : une maladie qui effraie tant elle est associée aux grandes peurs du moyen-âge. Si elle a disparu d’Europe, la lèpre est encore bien présente en Afrique et dans l’Océan indien. A Mayotte, le nombre de malades rapporté à la population (le taux de prévalence) est même parmi les plus élevés du monde : 3,7 pour 10.000 habitants en 2011, très au-dessus des objectifs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fixés à moins de 1 cas pour 10.000. Notre département est le deuxième territoire le plus touché de la région après Anjouan.
D’après les données fournies par l’ARS* et le CHM, 41 nouveaux cas de lèpre ont été diagnostiqués à Mayotte en 2013, ce qui porte à 382 le nombre de nouveaux malades de 2006 à 2013. Avec de tels chiffres, notre département est évidemment le plus touché à l’échelle nationale, il est même le seul, avec la Guyane, où la maladie est considérée comme endémique, c’est-à-dire présente de façon importante et permanente. Et c’est d’autant plus vrai que sa présence est «probablement sous-estimée», note une étude de l’ARS publiée en 2011.
Une maladie de la peau
La lèpre, ou maladie de Hansen, est une maladie infectieuse chronique due à un bacille qui touche essentiellement la peau, les muqueuses et le système nerveux. La maladie est transmise par la salive ou les sécrétions nasales lors de contacts étroits et fréquents avec un sujet infecté et non traité. Ses conséquences peuvent être lourdes avec des infirmités sévères si le diagnostic et le traitement arrivent tardivement.
La maladie est relativement peu contagieuse, même si c’est la «forme multibacillaire», la plus facilement transmissible, qui prédomine à Mayotte. D’ailleurs, la forte proportion des enfants de moins de 15 ans concernés chez nous, indique une contamination récente dans le département.
112 patients traités par le CHM
À Mayotte, la détection et la prise en charge des cas de lèpre sont réalisées par le service de léprologie du Centre hospitalier de Mayotte (CHM). L’an dernier, 112 personnes étaient suivies pour un traitement qui est long, « environ deux ans », précise le Docteur Anne-Marie de Montera. Les personnes atteintes à Mayotte sont majoritairement des hommes, un quart ont moins de 15 ans et 25% des cas ont « importé » la maladie avec eux depuis Anjouan et de façon plus anecdotique de Mohéli et de Madagascar.
L’ensemble de Mayotte est concerné même si les secteurs du Grand Mamoudzou et de Petite-Terre, avec leur forte densité de population, sont les plus frappés en nombre de malades.
Une tendance difficile à définir
La situation n’est donc pas bonne sur ce front sanitaire dans notre département sans que l’on puisse dire qu’elle s’améliore. Certes, le nombre de nouveaux cas détectés (39 en 2011, 34 en 2012 et 41 en 2013) est relativement stable mais « on ne peut pas vraiment dégager de tendance, précise le docteur de Montera. Avec la lèpre, on est sur du long terme. Les phases d’incubation sont longues, jusqu’à une dizaine d’années ».
L’ARS et le CHM jouent des rôles complémentaires dans la lutte contre la maladie, combinant campagnes de dépistage et formation des personnels de santé, car la lèpre n’est souvent plus enseignée en Europe. Ainsi, chaque médecin qui s’installe sur l’île est sensibilisé à la question.
Mais sur ce sujet-là aussi, «étant donné les liens étroits entre Mayotte et les Comores, une coopération régionale est nécessaire afin de lutter efficacement contre cette pathologie», notait le rapport de l’ARS.
L’Afrique est le continent le plus touché par cette maladie. Parmi les 17 pays totalisant plus de 95% des nouveaux cas déclarés en 2010, 9 sont africains. Quant à La Réunion, une récente étude a montré que les taux de détection très bas «pose la question de la sous-estimation de la maladie dans cette île».
RR
*ARS : Agence régionale de Santé
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