Depuis ce lundi 16 juin, 8h15 exactement, la révolution des déchets est en marche à Mayotte avec l’ouverture de l’ISDND. Les anciennes décharges devront être réhabilitées.
Un objectif vieux de dix ans vient de se concrétiser : un lieu est consacré aux déchets qui ne peuvent pas être recyclé. L’Installation de Stockage des Déchets non Dangereux (ISDND) vient d’ouvrir ses portes à Dzoumogné en grande pompe : président et direction du SIDEVAM 976 (Syndicat de collecte et de traitement des déchets), direction mahoraise de la Star, élus, directeur de MAP, tout le monde était venu participer au top départ des déchargements des ordures.
« Je suis bien le premier ?» Le chauffeur du camion benne chargé de déchets en provenance de Sohoa (SIVOM Centre) s’avance pour la pesée avant d’avoir décliné le CV de son chargement : provenance, qualité de la marchandise, transporteur, client… etc. Dos à la rampe de vidage, il décharge les premiers sacs poubelle dans la première alvéole du 1er casier du vaste bac, « le 1er niveau doit tenir 10 ans », rappelle Ludovic Barthélémy, responsable de l’exploitation de l’ISDND pour STAR Urahafu (STAR Réunion, filiale de Suez Environnement).
L’installation accueille donc désormais l’ensemble des déchets ménagers et non revalorisables de l’île qui auront été rapatriés depuis les anciennes décharges. « Deux d’entre elles Dzoumogné et Achiké à Ouangani sont fermées depuis aujourd’hui, seuls les camions Colas peuvent y déverser la terre nécessaire à leur recouvrement », indique Marie-Anissa Abdoul, chargée de suivi de la délégation de service public au SIDEVAM 976.
Accès aux décharges interdit
Quant aux autres, quatre d’entre elles doivent muter en quai de transfert : une zone de récupération des déchets ménagers avant leur envoi vers l’ISDND. Mais deux quais ont du retard, « celui de Chirongui présente un défaut de conception, nous allons donc effectuer un transfert provisoire avec un dépôt des déchets de quelques heures avant réacheminement vers l’ISDND ».
Même problème pour les Badamiers dont le quai de transfert est en cours de construction, « mais où les pompiers sont intervenus les 4 et 6 juin pour éteindre définitivement le brûlage des déchets », un feu nauséabond qui avait redoublé d’intensité quelques jours auparavant…
La décharge Hamaha est également fermée, « depuis le 14 juin à midi », nous apprend la jeune femme. Mais les procédures de fermeture définitive sont en cours, « une action très complexe », comme l’explique Ludovic Barthélémy.
Il faut en effet en interdire l’accès en grillageant l’ensemble et en informant le public par des panneaux, «puis recouvrir l’ensemble de terre pour endiguer les odeurs et empêcher les envols de poches plastique ou autres ». Il faut ensuite étanchéifier la superficie. Le cabinet Jyrus doit effectuer ce travail de réhabilitation qui devrait être bouclé pour la fin 2015.
Le Tri-O fonctionne mal
Le site de l’ISDND est prévu pour accueillir un volume de 2 millions de tonnes de déchets, qui devrait être atteint dans environ 30 ans. Une anticipation rendue difficile par manque de données : « outre les incertitudes sur la population totale de l’île, l’importance des brûlages sur les décharges sauvages minore le volume des déchets qui y sont traités », confie Ludovic Barthélémy.
Mais ce sont les filières de recyclage qui permettront surtout de limiter le volume de traitement de ces déchets ultimes. Or, à la vue du chargement du premier camion où apparaissent ça et là des bouteilles en plastique, le Tri-O ne fonctionne pas à plein régime, « il faut poursuivre la communication dans ce domaine », indiquait un membre du SIDEVAM 976, « et surtout proposer des solutions de tri quasiment industriels pour des collectivités ou les restaurants ». Ludovic Barthélémy se faisait là l’écho des professionnels.
D’autre part, si le Tri-O permet de déposer dans les bennes le verre, le plastique et le métal, la filière carton, sans doute moins rentable et rendue difficile par l’humidité du climat, n’est toujours pas implantée. Avec les déchets verts, elle permettrait pourtant une réduction sensible du volume des déchets. De même, les bennes de tri des déchets électriques, électroniques, verts, bois pour particuliers et professionnels, très utilisées en Métropole, mais peu présentes voire absentes à Mayotte.
Quelque soit le procédé, toute la chaîne de traitement dépend d’un geste, « celui du mahorais qui doit comprendre qu’il faut commencer par jeter ses déchets dans une poubelle », recommande Bamcolo Assani Saindou, président du SIDEVAM 976 et maire de Koungou, « il en va de l’environnement, donc du tourisme, donc de l’économie de Mayotte ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte