Comment récupérer la société mahoraise ?

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En débattant de cohésion sociale à la mode métropolitaine, n’est-on pas déjà hors sujet ? C’est presque la conclusion du premier atelier sur l’enfance en danger qui a le lourd défi de préparer Mayotte à 2025… en trois réunions.

Ali Fahardine, Christophe Vénien et Antoine Duhaut pour des échanges où le milieu associatif était très représenté
Assani Saindou, Christophe Vénien et Antoine Duhaut pour des échanges où le milieu associatif était très représenté

 

La situation mahoraise, c’est encore le sénateur Thani Mohamed Soilihi qui la résume le mieux : « nous sommes passés d’une société cimentée à une totale désagrégation en quelques années ».

Avec en chemin, la perte de l’esprit collectif, dont un exemple cité par Noussoura Soulaimana, qui représentait le Conseil général, « avant, lorsque quelqu’un avait à manger, il regardait si son voisin pouvait se nourrir. Maintenant, quand je me réveille le matin, je ne sais même pas où est mon voisin ! »

Si, comme le faisait remarquer un interlocuteur, en métropole les mêmes interrogations se font jour, elles ont laissé place à Mayotte à un grand vide : « on pouvait gronder un enfant qui n’était pas le sien, maintenant, on ne sait même plus gronder son propre enfant ».

La France se retrouve donc devant un département qui ne lui ressemble pas, et où elle n’a que ses repères métropolitains à appliquer, la protection de la jeunesse, la cohésion sociale, et sans que la population elle-même ne reprenne les rênes : « on ne pourra rien faire sans les mahorais, eux seuls connaissent leurs enfants, leur culture », avertissait Philippe Duret qui, avec Thani Mohamed Soilihi, fut le précurseur de l’action sociale en créant Tama en 2005 en faveur des jeunes en danger.

« Plus personne ne gronde les jeunes »

Thani Mohamed Soilihi pilotait les échanges. A ses côtés, Ali Fahardine
Thani Mohamed Soilihi pilotait les échanges. A côté, Ali Fahardine, à gauche sur la photo.

Il faut réinventer un schéma propre à Mayotte, pour Christophe Vénien, délégué de Caritas France-Secours Catholique, « le droit commun doit n’être qu’un socle ». Alors qu’Ali Fahardine, CFDT, faisait remarquer : « il n’y a rien à inventer ! Tout existe ici, mais il n’y a plus d’autorité à Mayotte. On met l’accent sur le jeune, mais il n’y a plus personne pour lui dire ‘ne fait pas ça’ ! »

Le schéma local, c’est aux collectivités de le développer et de le diriger pour l’ensemble des interlocuteurs, « la part du Conseil général accordé à la jeunesse est très faible, comment impliquer les collectivités ? », questionnait Thani Mohamed qui tentait de donner une ligne directrice. L’Aide Sociale à l’Enfance du Conseil général n’était pas présente aux débats.

« Il y a malgré tout des signes encourageant du côté du département comme la création de l’Observatoire de l’enfance en danger ou la nomination d’une directrice de l’Aide Sociale à l’Enfance ou encore dans les communes la mise en place de Centre communaux d’action sociale », corrigeait Antoine Duhaut, directeur d’Apprentis d’Auteuil Mayotte.

Pas le temps de contacter les familles…

Noussoura Soulaimana, "retrouver le goût du collectif"
Noussoura Soulaimana, « retrouver le goût du collectif »

Est ce possible de bâtir un modèle qui reconstitue cet équilibre d’ « antan », qui ne remonte malgré tout qu’à 10 ans ?… Le scepticisme l’emportait pour Assani Saindou, directeur adjoint de la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte, « les familles ont abandonné », alors que Thani Mohamed voulait relever le défi, « il faut au moins stopper l’hémorragie », mais qui concédait « il aurait fallu consulter les familles dans le cadre de l’élaboration Mayotte 2025, mais nous n’avons pas eu le temps ».

C’est là toutes les limites d’un exercice que la préfecture a contraint, en demandant un rendu pour le mois de décembre, quand un tel enjeu aurait nécessité des mois de travail.

Un plan fourni par Tama il y a un an, « et qui n’a jamais reçu de réponse bien qu’étant remonté jusqu’au ministère de l’Outre-Mer », était proposé par Philippe Duret qui ne voit qu’une solution face à la démission parentale : « rétablir cadis et madrassas, ces lieux d’éducation qui font tellement peur à la République laïque ! ».

Le sénateur en tant que pilote est parvenu à contenir les échanges sans les renvois de responsabilité perpétuels entre l’Etat, en charge de la politique migratoire et donc d’une partie de ces jeunes, et le Conseil général qui a la prérogative de l’action sociale, toutes nationalité confondues.

La solution passera par cette entente, et l’approbation par ces deux entités de solutions qui leur déplaisent de prime abord, budget social accru pour le département, et intégration des madrassas et des cadis pour l’Etat.

Deux autres ateliers doivent se tenir sur un thème qui inclut aussi de manière surprenante, la révision du système de santé.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

 

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