La brique de terre a-t-elle toujours un avenir à Mayotte ?

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Les maisons SIM lui doivent leur existence : la brique de terre n’est plus fabriquée que par deux entreprises à Mayotte. Si elles sont la preuve que l’économie circulaire de production à partir de déchets est possible, elles sont pénalisées par une réglementation défavorable.

Un immeuble à la structure en parpaing et habillage en briques
Au Tamarins, un immeuble à la structure en parpaing et habillage en briques

Dans le cadre de son Forum sur l’économie circulaire dont les conférences se tenaient ce vendredi à Mamoudzou, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Mayotte avait proposé une visite de deux entreprises « modèles », Mayco, pour la mise en place de ses bouteilles consignées, et Eco Brique Construction, qui produit des briques de pierre compressées.

La terre est le matériau historique de la construction des maisons à Mayotte. Et si les bangas de torchis ont laissé la place aux tôles clouées, plus rapides à monter, les briques de terre ont continué à être utilisées, notamment dans la construction des maisons SIM du nom de la Société Immobilière de Mayotte.

Elles étaient 13 sociétés à produire ces briques, il n’y en avait plus qu’une, Mayotte sol il y a encore deux ans, jusqu’à ce que le malgache Roger Sirpajon arrive sur le marché et crée Eco brique Construction.

A la main

Compressée à la main
Compressée à la main

Sise au détour d’un virage vers Ironi Be, la petite entreprise surprend : on s’attend à une production en série ultra mécanisée, ce sont deux ouvriers compressant à la main le mélange de terre, pouzzolane et ciment qui vous accueillent au côté du chef d’entreprise.

« Nous récupérons de la terre et de la pouzzolane sur les déblais de chantiers pour fabriquer environ 600 briques par jour », explique Roger Sirpajon. Son client principal est la SIM. S’il n’a pas franchi l’étape vers la production mécanisée, c’est pour plusieurs raisons.

Le prix de sa brique, entre 1,20€ et 1,40€ selon la taille, d’abord n’arrive pas à concurrencer celui du parpaing et du béton, « bien que celui-ci soit moins résistant et nécessite l’apport d’une isolation thermique derrière ».

Les normes tuent la brique

Roger Sirpajon fait visiter son mini chantier
Roger Sirpajon fait visiter sa petite unité

A ce titre, la visite du chantier des Tamarins est éloquente : la structure des 4 petits immeubles de 6 appartements chacun est en parpaing, la brique n’assurant plus de le remplissage, presque de la déco. « La brique de terre ne remplit pas les certifications des normes sismiques et thermiques exigées », explique Gilles Hervou, Responsable Logistique et sécurité GTA. Impossible donc de l’utiliser dans la structure du bâtiment sous peine de ne pouvoir obtenir la garantie décennale.

Un architecte du SMIAM (Syndicat mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte) apporte une nuance, « la brique de terre est bien certifiée, c’est la norme CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) qui permettrait d’en tester la tenue une fois montée, qui n’a pas été mise en place à Mayotte par les services de l’Etat ».

Ces travaux de normalisation des normes parasismiques devraient reprendre en janvier. Une forte attente des professionnels comme Roger Sirpajon qui est présenté comme un concurrent, très modeste, des producteurs de béton, « ils sont en situation de monopole à Mayotte et font grimper les prix », glissait-on sur le chantier.

Pour être compétitive, la production de brique devra passer au stade industriel, ou au moins mécanisé, ce qui ne sera possible qu’avec une réglementation qui lui soit favorable et lui assure des débouchés.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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