Les syndicalistes de la CFE-CGC sont en formation : aider les autres tout en s’aidant soi-même et tant qu’à faire l’entreprise dans son ensemble, voilà le programme national du syndicat, décliné à Mayotte.
« Dans l’imagerie populaire, le syndicaliste, c’est soit un fainéant, soit un emm… », le formateur invité par la CFE-CGC, pose les bases de ses deux journées de formation devant 26 représentants syndicaux qui agréent.
Interroger Robert Christopher, c’est un peu se retrouver dans les conditions de l’interview idéale : écoute, pauses réfléchies… C’est d’ailleurs un peu du programme que le psychothérapeute va dispenser au cours de ces deux journées à l’hôtel Trévani. Il intervient sur l’invitation de la CFE-CGC qui a fait de la formation « des syndicalistes à l’écoute du salarié » un programme national.
Après La Réunion, c’est à Mayotte que les représentants syndicaux, essentiellement du secteur privé, vont apprendre à accueillir un employé en détresse tout en se protégeant : « le syndicaliste a une âme de sauveur, mais pour « sauver le monde » il faut soit même être en pleine forme. Vous auriez du mal à avoir confiance dans un médecin bancal, ou malade. C’est pareil pour le syndicaliste.»
Le programme national a été impulsé par Carole Couvert, la présidente de la CFE-CGC, sur les conseils de Martine Keryer, secrétaire nationale Santé au travail, elle-même médecin du travail.
Le burnout touche le salarié consciencieux
L’enjeu de la prise en charge des risques psychosociaux est tel pour la collectivité, notamment pour les coûts des arrêts maladie ou accidents de travail, que c’est la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) qui prend en charge la formation : « ils ont compris qu’il fallait agir sur le préventif, et non plus seulement sur le curatif », précise Djoumoi Djoumoy Bourahima, président de la CFE-CGC Mayotte
Les individus sont inégaux face aux risques psychosociaux qui vont des violences et agressions subies, aux incivilités, en passant par l’interruption brutale et répétée de tâches que pratiquement un tiers des salariés trouve perturbante.
L’écoute et l’accompagnement des salariés en souffrance peuvent également paraître un luxe dans un contexte de fort chômage. Pour Robert Christopher, c’est justement ce contexte tendu qui est à l’origine de bien des maux : « le burnout touche la personne consciencieuse qui se donne à fond et se retrouve submergée. C’est la même chose qu’un stress post-traumatique, qui est d’actualité chez Charlie Hebdo, mais qui se retrouve lors du suicide d’un collaborateur ou après la grosse colère d’un client ».
Surtout que lorsqu’on fait les comptes, avec 8 heures par jour pendant 40 ans, « on s’aperçoit qu’on est marié à notre entreprise, où l’on passe plus de temps qu’avec sa famille ». Et une évolution est à noter : « on revendique dorénavant une harmonie entre les deux sphères ». Avec une conséquence, « il faut pouvoir s’éclater dans son travail. Dans mon cabinet, je reçois tous les jours des personnes qui souffrent tellement dans leur travail que leur cerveau est devenu reptilien, ils n’ont plus de recul ! »
Coresponsabilité de la situation de souffrance
La balle est dans les deux camps pour Robert Christopher. Le chef d’entreprise tout d’abord qui doit réaliser qu’il a un potentiel sous la main : « même des salariés qui peuvent paraître tir au flan. C’est souvent parce qu’ils ont été mal dirigés, sans souci d’épanouissement, sans les rendre co-acteur de leur activité professionnelle. De plus, une enquête de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) prouve qu’un euro investi dans la qualité de vie au travail peut rapporter 13 euros à l’entreprise ».
Le salarié ensuite, qui doit prendre conscience qu’il est coresponsable de la situation dans laquelle il est : « il considère un peu le chef d’entreprise comme son père, ce qui induit des relations parfois complexes. Et si on passe la journée à faire la tête à son supérieur, il y a peu de chance que la situation s’améliore ».
Et ça tombe sous le sens, pour que le système fonctionne, chacun doit y mettre du sien, ce qui implique plusieurs étapes : la formation actuelle d’une méthode d’écoute du salarié qui protège aussi le syndicaliste, puis ultérieurement, un partage avec les organisations patronales, « comme cela s’est fait à Rennes entre le Medef et la CFE-CGC ».
De la Caisse d’allocations familiales, de Mayotte Channel Gateway, de l’hôtel Sakouli, Kalo ou du conseil général, tous ont été ponctuels ce jeudi à Trévani. Une formation qui doit se traduire par une protection du syndicaliste et un bien-être du salarié qui, bien écouté, « va pouvoir se ‘reverticaliser’, se redresser », souhaite Robert Christopher.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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