Pas le temps de s’arrêter pour fêter ça. Le Ciné Musafiri a deux ans et il est rapidement devenu essentiel à la vie culturelle de Mayotte. Rencontre avec son fondateur sur fond de projection.
Dans une heure, les petits spectateurs du service pédiatrie du CHM vont se faire une toile, un film d’animation projeté dans la salle de jeux. C’est évidemment Ciné Musafiri («ciné voyageur ») qui pose ce mardi après-midi son projecteur et qui déploie son écran à l’hôpital.
Anthony Boche, fondateur et homme à tout faire de la structure, accepte pour le JDM de s’assoir sur une chaise pour discuter de ces deux ans. Mais il faut chercher une pièce pour le projecteur à Kawéni, répondre à des coups de fil… pas facile de s’arrêter quelques minutes quand on ne s’arrête vraiment jamais.
«C’est intense mais c’est un plaisir. J’ai une chance folle de faire ce métier», précise le projectionniste.
De la Bretagne à Sada
L’histoire du Ciné Musafiri débute avec Sada comme décor en décembre 2012. Mais c’est en mars-avril 2013 que les premières projections commencent à s’enchaîner. Anthony est arrivé quelques mois plus tôt avec sa famille et du matériel de projection offert par le cinéma dans lequel il travaillait jusqu’alors en Bretagne, à Etel. «C’est grâce à eux qu’on a pu monter ce projet», se souvient-il.
Deux ans après, Ciné Musafiri propose 4 écrans de tailles différentes, dispose de deux projecteurs et a un programme toujours plus rempli. Des projections pour les Affaires culturelles de la préfecture (DAC), pour la politique de la ville, la DJSCS*, les Ceméa, Tama, les fêtes et autres événements… On est à près de 90 projections par an.
Education à l’image
Ciné Musafiri est aussi partie prenante de dispositifs d’éducation à l’image ou encore de conventions culture/justice et culture/santé. Il propose des ateliers vidéo de l’écriture du scénario au tournage avec la maison des ados, Dago ou la PJJ**. Il fait entrer les films à l’hôpital, comme ce mardi, 10 fois par an.
Il a également installé rendez-vous du dernier vendredi de chaque mois sur la plage de Mtsangabeach. «Le nombre de spectateurs oscille entre 30 et 200 en fonction des films et des autres événements parce qu’il y a de plus en plus de choses à faire à Mayotte ! » Le public mahorais évolue aussi très vite, avec les «urbains» d’un côté et les «ruraux» de l’autre. «Ce qui est très chouette quand on arrive dans un village un peu reculé comme Dapani par exemple, c’est que tout le monde vient», se félicite Anthony.
L’envie de durer
Avec une telle activité, difficile de se souvenir des moments de ces deux années qui resteront dans sa mémoire. Le plaisir des toutes premières projections bien sûr, les beaux endroits comme Mtsangabeach ou la grande place de Ouangani… et finalement peu de galères : «On finit toujours par trouver de l’électricité ou par ouvrir la porte qui est fermée !» Même la pluie, en deux ans, a été plutôt clémente avec les projections.
Installation rapide et véritable reconnaissance, le cinéma itinérant semble faire partie de Mayotte depuis toujours. «Je suis surpris que ça soit allé aussi vite. Mais je suis prudent. A Mayotte, il y a beaucoup de choses qui sont montées en flèche et qui sont retombées aussi vite».
L’objectif est évidemment d’installer Musafiri dans le temps et de renouveler toutes les conventions qui vont arriver à expiration.
L’idée est aussi de continuer à proposer toujours plus d’images avec peut-être des films plus récents qui complèteraient à la fois sa propre programmation et celle du cinéma Alpa Joe de Mamoudzou qui, entre-temps, a rouvert ses portes.
Et toujours, bien sûr, nous faire voyager.
RR
Le Journal de Mayotte
*DJSCS: Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale
**PJJ: protection judiciaire de la jeunesse