Les très insuffisants effectifs de la gendarmerie à Mayotte

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« On est débordé !» Une expression qui revient souvent à Mayotte. Particulièrement chez les forces de l’ordre. Qui n’a jamais entendu un voisin se plaindre que la police ou la gendarmerie est passée tardivement ou ne s’est pas déplacée. Et pour cause : alors que la population augmente, les forces de l’ordre agissent à effectifs constants !

Gendarmes fouleDepuis la création de la brigade de Mamoudzou, aucun recrutement n’est venu grossir la brigade de Mamoudzou, alors que les faits de délinquance de proximité augmentent graduellement d’année en année, de 24% en 2013, de «seulement» 6,25% sur l’année 2013, mais tout le monde ne dépose pas plainte.

En matière de sécurité, deux compétences s’exercent sur l’île : la police nationale qui couvre la commune de Mamoudzou, de Tsoundzou à Kawéni, et la gendarmerie, compétente sur le reste du territoire. Incongruité : c’est justement sur Mamoudzou, donc en zone police, qu’est implantée la première brigade de gendarmerie. « C’est une incompatibilité opérationnelle, alors qu’elle a en charge la sécurité publique des deux communes, Koungou et Dembéni, situées de part et d’autre de Mamoudzou », confie le colonel Jean Gouvart qui commande la gendarmerie de Mayotte.

Un frein à l’efficacité, par l’encombrement des voies de circulation dans cette zone urbaine.

Au four et au moulin de la délinquance

Pare-brise caillassé
Pare-brise caillassé

D’autre part, les populations de Koungou et Dembéni continuent de croître. La première est passée de prés de 19.800 habitants en 2007 à 26.700 en 2012, selon l’INSEE, avec une pression migratoire permanente qui nécessiterait un accueil adapté. Elle concentre également une zone industrielle, le port de Longoni, et plusieurs établissements scolaires, dont le collège de Koungou qui était il n’y a pas si longtemps, le plus important de France.

La seconde, Dembéni, a vu sa population croître dans une moindre mesure, de 10.100 à 11.000 sur la même période, plutôt étudiante avec le CUFR, le collège d’Iloni et le lycée de Tsararano.

Malgré cette augmentation et l’accroissement de la délinquance, l’effectif n’est que de 15 militaires permanents, 12 sous-officiers dont 7 officiers de police judiciaire et 3 gendarmes adjoints volontaires. Des gendarmes mobiles viennent régulièrement prêter main-forte, mais malgré la présence de ces 4 militaires qui tournent tous les trois mois sans vraiment connaître le territoire, la brigade a du mal à étaler.

Pour preuve, ce week-end, lorsque vendredi soir des bagarres de rue ont dégénéré en les prenant pour cible, alors qu’ils étaient appelés sur d’autres opérations. «C’est un DOM difficile», glisse un gendarme mobile qui a tourné dans les autres territoires ultramarins.

Une réorganisation qui tarde

Barrage tenu par les jeunes en 2011
Barrage tenu par les jeunes en 2011

Un peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie est également installé à Majicavo Lamir, aux Hauts Vallons, les 8 militaires recevant le renfort de quatre gendarmes mobiles. Mais bien que censé intervenir sur l’ensemble de l’île, il se concentre finalement sur Koungou.

Depuis plus d’un an, le dossier de l’implantation d’une brigade sur cette commune est bouclé. Bouclé, mais bloqué, «pour des raisons de financement essentiellement. En métropole, les communes participent, mais ici, on a plus de mal», explique Jean Gouvart.

Un opérateur privé s’est pourtant déclaré favorable et un site a été choisi à Trévani. «L’objectif est de faire une brigade « mono-communale » dont la zone de compétence se limiterait à Koungou». Le problème se pose alors pour la commune de Dembéni : «elle pourrait être confiée à la brigade de Sada». Avec un même problème d’éloignement entre les deux communes. L’autre solution serait de créer une unité propre à Dembéni, «le maire a été contacté afin d’identifier un terrain disponible», explique encore Jean Gouvart.

Deux projets qui sont tournés vers la proximité des forces de gendarmerie, et qui pourraient résoudre les problèmes de délai de déplacements, réduire les risques de caillassage pour les véhicules dont le turn-over de pare-brise est incessant, et du tissage d’un lien avec la population.

Paris a le dossier en main, le général de corps d’armée, Bertrand Soubelet nous avait assuré le porter à la suite de sa visite à Mayotte.

Avec le départ de la brigade vers Koungou, c’est la section de recherches de la gendarmerie de Mayotte qui pourra déménager vers la caserne de Mamoudzou, «un transfert de Petite-Terre vers Grande-Terre permettrait aux enquêteurs de cette unité de se rapprocher des autorités judiciaires, parquet et cabinets des juges d’instruction», conclut le colonel Gouvart.

Avec un accroissement des effectifs, ces décisions ne sont plus une option, mais une condition sine qua non pour que la sécurité des citoyens soit garantie à Mayotte.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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