La Cour régionale des comptes a rendu son avis définitif sur le fonctionnement de la maternité du CHM. Elle maintient ses critiques et ses préconisations et intègre les réponses du directeur de l’hôpital.
En 2013, avec 6.003 accouchements, le CHM était la 5e maternité de France, sur 5 sites, l’hôpital central de Mamoudzou et les quatre hôpitaux périphériques de Dzoumogné, Kahani, Mramadoudou et Petite Terre. Son fonctionnement a été analysé par la Cour régionale des comptes et le rapport préliminaire de l’institution appelait des réponses du directeur de l’hôpital. Elles ont été apportées par Etienne Morel.
Dans les hôpitaux périphériques, la Cour reproche des accouchements réalisés exclusivement par des sages-femmes, sans médecin, même si les naissances à risque sont transférées à Mamoudzou. La Cour constate également une saturation la maternité centrale et un transfert par minibus des femmes accouchées et de leur bébé de Mamoudzou vers la périphérie, «3 heures après l’accouchement», faisant «courir des risques» à ces patients.
A ces critiques, Etienne Morel répond : manque de personnel. Pour lui, malgré la «politique d’attractivité médicale», dont la mise en place d’une indemnité particulière d’exercice pour les praticiens, tous les postes «autorisés et nécessaires» de gynécologue-obstétriciens, pédiatres et anesthésistes ne sont pas pourvus, ce qui place le CHM dans une situation de non-conformité aux normes techniques.
Ainsi quand la CRC parle de «maternités surdimensionnées» dans les hôpitaux périphériques, le CHM parle de «sous-utilisation» faute de personnel pour exploiter ces équipements à plein régime. Pourtant, leur bon fonctionnement «répondrait à une bonne couverture du territoire».
Des femmes enceintes trop peu suivies
Dans son rapport, la Cour pointe «des indicateurs de périnatalité préoccupants», avec un taux d’enfants morts-nés de 14,3‰ contre 9,2‰ en métropole. De même le taux de mortalité néonatale au CHM est de 3,17‰ en 2010 contre 2,3‰ dans l’hexagone. Là encore, le CHM s’explique. L’hôpital est ainsi amené à «accueillir des femmes enceintes, présentant des états de santé précarisés et peu insérées dans des parcours de santé». Autrement dit, de nombreuses femmes enceintes se présentent pour accoucher sans jamais avoir été suivies au cours de leur grossesse.
De façon plus générale, le directeur de l’hôpital regrette que la Cour ne tienne pas compte des spécificités mahoraises en matière de démographie et de sociologie, «une donnée contextuelle de la plus haute importance et pesant fortement sur les conditions d’exercice du CHM».
Un projet d’extension de l’hôpital arrêté
Pour Etienne Morel, ces critiques semblent impossibles à résoudre à court terme. Car si le CHM est en dehors des normes concernant le fonctionnement des maternités faute de personnel, il est dans l’impossibilité d’interrompre l’activité compte tenu du volume d’activité… D’autant qu’il confirme les informations données par le JDM il y a quelques semaines sur le retournement de tendance avec une forte augmentation du nombre de naissances, passant de 6.003 en 2013 à 7.374 en 2014. Le décompte fait même état de 2.029 bébés rien que pour le 1er trimestre 2015.
Il y aurait bien, pourtant, une solution… Mais elle a été balayée par la crise des finances publiques. On apprend ainsi qu’un «projet d’extension de l’hôpital avait été déposé et aurait permis de répondre aux dispositions réglementaires en matière de salle de travail et de pré-travail.» Mais «ce projet a été arrêté, la contrainte budgétaire ne permettant pas d’accompagner le CHM dans ce projet d’investissement lourd.» Pour autant, le CHM «reste très demandeur» pour réaliser cette extension.
Neuf préconisations
Et si le directeur du CHM maintient que la prise en charge des femmes à l’hôpital de Mayotte relève d’un «recours de haut niveau pour les grossesses», la Cour des comptes maintient neuf préconisations. Parmi elles, on trouve une régularisation de la situation du transport sanitaire, la mise en place d’une astreinte de nuit à Dzaoudzi, d’un suivi des données concernant les décès, ou des consultations obligatoires au début du 3e trimestre de grossesse.
La Cour souhaite également que le CHM saisisse l’ARS pour obtenir l’autorisation d’exercice des activités gynéco-obstétriques car, aussi étonnant que cela puisse paraître, l’hôpital n’est pas officiellement habilité pour la plupart des activités de la maternité alors qu’elles représentent 50% de l’activité totale de l’hôpital.
Si les recommandations de la Cour des comptes ne sont pas coercitives, les critiques ne restent généralement pas sans réponse. Le CHM sera donc amené à en tenir compte dans les prochains mois.
RR
Le Journal de Mayotte