L’artiste malgache Jean-Luc Raharimanana est à Mayotte pour présenter deux de ses créations. Il y est question du lien entre les îles mais aussi du rapport à l’histoire, parfois tragique, de notre région.
Il est de retour à Mayotte, 15 ans après son dernier passage. Jean-Luc Raharimanana, auteur, dramaturge, comédien et conteur malgache est accueilli par la compagnie Ari Art jusqu’à la fin du mois. Avant une rencontre prévue ce vendredi à 18h30 à la bouquinerie de Passamainty, il assurait un atelier d’écriture et de théâtre hier à la MJC de Mtsapéré.
Avec des jeunes de Mamoudzou rassemblés dans une troupe amateur, il a travaillé sur les mots, la voix, les silences… «Avec cet atelier, je voulais démystifier la question de la création littéraire, pour enlever tous les freins qu’on s’invente pour ne pas aller vers la littérature», explique Jean-Luc Raharimanana. Alors que la pluie tombait sur Mtsapéré, les jeunes auteurs ont, chacun et collectivement, produit quelques lignes sur une goutte d’eau, avant que le musicien Tao Ravao ne les accompagne dans leur représentation.
Lui aussi animait un groupe, avec des plus petits, pour leur faire approcher pulsations et rythmiques. «Quand on dit jouer de la musique, il ne faut pas oublier la signification du mot jouer. Si tu ne t’amuses pas, tu arrêtes !», explique Tao Ravao qui racontait aussi aux enfants un peu de l’histoire des instruments traditionnels de Madagascar, qui sont passés par Mayotte avant d’arriver dans la Grande Île.
Les liens oubliés de l’océan Indien
Cette histoire commune, c’est le sens de la présence des deux artistes. Ils sont avant tout à Mayotte pour présenter deux spectacles en lien avec le passé. «Dans la zone, aussi bien à Madagascar, aux Comores, à Mayotte ou à La Réunion, nous avons un problème avec nos mémoires. Un passé qu’on ne regarde par devient une plaie et c’est cette plaie qui va nous rappeler qu’elle est bien là», explique Jean-Luc Raharimanana.
«C’est important de venir voir les spectacles car ces artistes nous amènent une histoire qu’on ne connaît pas. Et il crée un lien entre nos îles que nous avons oublié», complète El Madjid de la compagnie Ari Art. L’auteur explore en effet les événements de 1947 à Madagascar, l’insurrection durement réprimée par les forces françaises.
La force de l’Histoire
Texte, voix, musique, photos de Pierrot Men, projections de témoignages, c’est un pan occulté de l’histoire que le créateur revisite, un travail d’artiste qui puise sa force dans les drames de la fin de la période coloniale. «Ce qui m’intéresse dans ce travail, c’est de revenir à des histoires de personnes. On parle toujours de l’Histoire sans considérer qu’il s’agit de morceaux de parcours individuels. Dans un événement, les personnes n’ont pas forcément une vision globale. Des témoins disent par exemple, ‘Les Français sont venus là et ils nous ont tués’. C’est important de récréer un lien entre l’Histoire et des histoires personnelles», raconte Jean-Luc Raharimanana.
Pour El Madjid d’Air Art, accueillir de telles créations permet de renforcer son travail sur l’oralité. «La parole, la palabre, faire surgir des non-dits, tout son travail d’auteur sur la mémoire interroge aussi notre propre histoire comme notre façon de créer à Mayotte».
Jean-Luc Raharimanana propose, ce samedi 24 octobre, «Par la nuit», une performance avec Tao Ravao, à la MJC de Kani Kéli à 20h, suivie d’un échange avec l’équipe artistique. Puis les vendredi 30 et samedi 31 octobre «Rano, rano», toujours à la MJC de Kani Kéli à 20h.
RR
Le Journal de Mayotte