Un bâtiment de l’IFREMER est en mission pour un mois et demi entre le Mozambique et Madagascar. Et quel bâtiment ! Il s’agit du « Pourquoi pas ? », un hommage au Trois-mâts d’expédition polaire du commandant Charcot. Comme son ancêtre, le Pourquoi Pas de Genavir, embarque des scientifiques, une trentaine, pour le programme pluridisciplinaire PAMELA MOZ 4.
Le programme PAMELA porte sur l’étude des marges continentales à travers le monde, et principalement dans le canal du Mozambique. Des notions scientifiques qui nécessitent l’éclairage du chef de mission, Gwenaël Jouet : « Nous travaillons sur les domaines de transition entre la partie terrestre et océanique, essentiellement sur les marges passives, situées dans des régions sans activité géodynamique. » En encore plus clair, les scientifiques s’intéressent aux zones où se sont accumulés les sédiments sous lesquels peuvent être piégés du pétrole ou du gaz.
Des sédiments issus de l’érosion terrestre, qui se sont accumulés en bordure de littoral, et transportés par les rivières sous-marines. Les deux grandes zones étudiées lors de cette mission qui débute ce vendredi, sont celle du Zambèze, à l’ouest du Canal du Mozambique, et de Madagascar, au nord-ouest de l’île, prés de Majunga, « où une grosse rivière souterraine vient se déverser. »
Un programme qui se décline en cinq thèmes dans le droit fil des « pourquoi, comment et quand ? », chers aux scientifiques.
Premier jet
« Nous cherchons comment ces marges se sont formées, et comment les sédiments se sont accumulés il y a des centaines de milliers d’années. Le troisième volet concerne l’observation des glissements de terrains sous-marins qui ont pu provoquer des tsunamis ou des instabilités par le passé », explique le scientifique.
Et ces sédiments en s’enfonçant dans les fonds sous-marins ont pu libérer des fluides, « de l’eau associée à des hydrocarbures dont on peut trouver des traces. D’ailleurs, une zone a été repérée par topographie l’année dernière au large de Majunga, où nous revenons faire des relevés supplémentaires », indique Eric Deville, co-chef de mission. La présence d’organismes qui utilisent ces sorties de fluide pour se nourrir est également étudiée.
Il s’agit donc d’une mission exploratrice globale, financée par Total en collaboration avec divers instituts de recherche et IFREMER, qui va de la recherche fondamentale à un premier pas vers une recherche pétrolière plus approfondie : « l’objectif est une meilleure compréhension des systèmes, qui pourront éventuellement faire l’objet d’observations ciblées dans un deuxième temps. »
Les Monts du Mahorais
Le « Pourquoi pas » va notamment utiliser la sismique réflexion, de petites explosions envoyées depuis la surface vers les profondeurs, qui sont renvoyées avec plus ou moins de rapidité en fonction des strates sous-marines rencontrées, et qui permettent d’identifier de possible gisements de pétrole ou de gaz. Seuls d’éventuels forages ultérieurs pourront le confirmer.
Nos eaux mahoraises ne seront pas explorées dans ce cadre. Non qu’elles soient inintéressantes, mais parce qu’elles font l’objet d’autres études, celles des monts sous-marins. « Les fonds du Canal du Mozambique peuvent atteindre 3.000 mètres de profondeur, avec ça et là, de petites montagnes qui peuvent être associées à une activité volcanique et à des systèmes carbonatés. Ils nous permettent de comprendre l’évolution du niveau de la mer il y a 20.000 ans. Sans travailler sur les problématiques actuelles du niveau des mers, les recherches révèlent que ces évolutions ont été plus ou moins rapides au cours des temps.
C’est donc une mission multidisciplinaire qui quitte Mayotte ce jeudi soir, et qui passera notamment par les Iles Eparses, sur lesquelles, hasard du calendrier, la ministre des Outre-mer vient de réaffirmer la légitimité française…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte