Quel est l’état de santé de la population de Mayotte? A l’heure actuelle, il est quasiment impossible de répondre à une telle question. Il existe évidemment un certain nombre d’études et de travaux réalisés chez nous mais la comparaison avec la métropole et même avec nos voisins réunionnais est assez déconcertante. Beaucoup d’informations pourtant essentielles à la mise en œuvre de politiques publiques sont anciennes ou tout simplement absentes.
Pour remédier à ce problème dénoncé depuis longtemps par les élus et les associations, l’ARS envisage d’étendre à Mayotte le travail de l’observatoire régional de la santé (ORS) qui travaille sur les problématiques de La Réunion… depuis plus de 30 ans. Une mission de préfiguration étudie actuellement «la faisabilité d’un développement opérationnel et pérenne à Mayotte pour combler le déficit de connaissances dans le champ de la santé», indique Eric Mariotti, le responsable du service études et statistiques à l’ARS.
L’antenne mahoraise de l’ORS n’est pas encore installée mais l’ARS n’a pas attendu et a déjà défini les six axes prioritaires d’observation pour Mayotte.
De façon générale, il s’agirait d’abord d’avoir une connaissance de l’état de santé général de la population. Pour ce genre de données, il s’agit de rassembler du ressenti (est-ce que je me sens bien?) et des éléments plus objectifs chiffrés sur les maladies et les soins. Un baromètre de la santé à Mayotte va être mis en place sur le modèle de celui qui existe à La Réunion depuis 2014. Il sera conçu cette année et opérationnel l’an prochain.
L’enjeu de la connaissance de la périnatalité
Le 2e axe de recherche tournerait autour de la périnatalité. Le CHM, qui fait face à un «accroissement considérable du nombre de naissances», rassemble déjà beaucoup de données. Avec ces informations, l’ORS a déjà mis en place, depuis La Réunion, un tableau de bord qui rassemble les informations synthétiques sur la question mais ce n’est pas suffisant. «Nous allons approfondir l’analyse avec l’enquête nationale périnatalité qui va être particulièrement étendue à Mayotte pour avoir suffisamment d’observations pour produire des statistiques et des informations à l’échelle du département», explique Eric Mariotti.
Suivis des grossesses, accouchements, prise en charge des mamans… L’étude va être lancée le mois prochain aussi bien à Mamoudzou que dans les 4 maternités périphériques. Un premier rapport sera rendu avant la fin de l’année.
Jeunes et addictions
Compte tenu de notre démographie et de la jeunesse de la population, des études spécifiques seraient menées sur les jeunes. Des discussions sont en cours avec le vice-rectorat pour lancer une grande étude sur les élèves de 6e, avec des questionnaires nationaux adaptés aux spécificités de notre département.
Un travail est également à mener sur les addictions: tabac, alcool, bangué, chimique… Quel est le comportement des jeunes à Mayotte vis-à-vis de ces produits? Là encore, des études sont publiées régulièrement en métropole et dans les autres DOM. Il n’en existe quasiment aucune sur Mayotte. L’objectif est de disposer d’un tableau de bord régulièrement mis à jour pour établir un véritable état des lieux.
Diabète et sexualité
Véritable problème de santé publique, le diabète serait le 5e axe de recherche. Une étude a été publiée l’an dernier mais les dernières données complètes remontent à 2008… autant dire une éternité compte tenu de notre démographie et des changements à l’œuvre chez nous.
Enfin, dernier sujet particulièrement mis en avant, les risques sexuels. De l’usage des contraceptifs aux maladies infectieuses, là encore les connaissances des comportements pour mettre en place de véritables politiques publiques sont lacunaires.
Le grand rattrappage
«Nous avons déjà mis en place une plateforme d’études en santé en 2012 qui organise les complémentarités d’observations» entre les différentes institutions, explique Eric Mariotti. La cellule de veille sanitaire voire l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) pourront ainsi coordonner leurs travaux avec ceux du futurs ORS étendu mais aussi le département ou l’INSEE.
La démarche que met en place l’ARS n’est d’ailleurs pas sans rappeler le travail lancé par l’institut de la statistique et des études économiques. Longtemps montré du doigt pour le manque d’informations qu’il publiait sur Mayotte, l’INSEE a lancé un grand rattrapage et publie désormais de nombreuses études souvent inédites sur les phénomènes à l’œuvre dans le département. Avec ce futur ORS, les informations en matière de santé devraient, à leur tour, rattraper leur très grand retard.
RR
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