Partout ailleurs en France, les chiffres de la natalité sont toujours présentés comme bons lorsqu’ils sont orientés à la hausse. En métropole, aux Antilles ou à La Réunion, l’augmentation du nombre de naissances est vécue comme un facteur de dynamisme. Ce n’est pas le cas chez nous, bien au contraire. A Mayotte, les chiffres de la démographie s’emballent et semblent totalement hors contrôle, provoquant une véritable crise du système sanitaire.
Selon les chiffres obtenus par l’AFP auprès du CHM, 1.571 bébés ont vu le jour au centre hospitalier pour les seuls mois de janvier et février 2016. Le directeur du CHM s’attend à ce que l’établissement batte très largement son record établi en 2015. Pour la première fois, la barre des 10.000 naissances pourrait être largement dépassée. Etienne Morel évoquerait même la possibilité d’atteindre les 10.500 naissances en une seule année.
Comment faire ?
Car si les chiffres des deux premiers mois de l’année sont élevés, ce ne sont, a priori, pas des pics. Il existe en effet une saisonnalité des naissances à Mayotte : le nombre de bébés est plus élevé neuf mois après le ramadan. Les mois de mars et avril devrait donc atteindre de nouveaux sommets, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les équipes du CHM déjà totalement submergées. «Au-delà de 9.000 naissances, je ne sais pas comment on fait», confiait Etienne Morel au CHM au mois d’août dernier.
Et pourtant. Ce qui représentait un sommet infranchissable est devenu le quotidien auquel l’hôpital doit s’adapter. Les transferts de l’hôpital central vers des maternités périphériques s’effectuent dès que possible, les durées de séjour sont écourtées au maximum… Tout est fait pour tenter de tenir le rythme des 26 naissances par jour en moyenne.
Et ce n’est pas seulement la maternité qui est impacté mais aussi d’autres services tels que la pédiatrie et la néonatologie.
Revendiquer des moyens
Face à cette situation de crise permanente, le ministère de la Santé a débloqué 10 millions d’euros pour 2016 qui devraient être dirigés principalement vers l’ensemble des services liés aux bébés… Ce n’est pas assez pour les syndicats dont la CGT-Ma qui réclame une augmentation du nombre d’agents mais aussi des primes «au regard de la surcharge de travail».
Dans l’attente d’une réponse de l’Agence régionale de santé (ARS), les syndicats se préparent à intégrer le mouvement de grève de la fonction publique du 30 mars prochain.
Où est la parole politique ?
Au-delà du présent, la question se pose plus que jamais de savoir jusqu’où peut monter le nombre de naissances à Mayotte . «On est tributaires des arrivées d’Anjouan, on ne peut pas estimer précisément» les perspectives pour 2016, indiquait Etienne Morel à l’AFP… Le CHM est donc bel et bien devenu l’hôpital, sinon du Comores, du moins d’Anjouan.
Car un autre chiffre, impossible à connaître précisément, est lui aussi en train de s’envoler : celui du nombre de «kwassas sanitaires», ces embarcations de fortune sur lesquelles se massent des femmes enceintes, qui risquent leur vie et ne peuvent être reconduites à la frontière. Plus une semaine ne s’écoule sans qu’une ou plusieurs interceptions de ce type de barques qui relient clandestinement Anjouan à Mayotte ne soit interceptée…
Face à cette crise, les autorités françaises et comoriennes restent silencieuses, une absence de parole politique qui en dit long sur le grand désarroi face à une situation qui n’est pas prête de se régler.
RR
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