Un métropolitain se présente à la brigade de gendarmerie de Petite Terre le 10 octobre dernier, catastrophé par les nouvelles qu’il vient de recevoir de sa petite amie : 3 sms qui indiquent que le chauffeur du taxi dans lequel elle est montée la séquestre pour abuser d’elle.
Les gendarmes lancent une vaste opération de recherche, à terre et aériennes… pour rien. Elle a tout inventé.
Ce 10 octobre, B.S., âgée de 19 ans, monte bien dans un taxi, et envoie quelques minutes après un sms à son ami, rapporté par le procureur, « Bébé j’ai trop peur ! », un second quelques minutes plus tard, « Si je téléphone à la Police, il va me tuer », puis « Je ne sais pas où je suis, je ne vois plus les maisons là où je suis, appelle la police. »
Les gendarmes ayant déclenché tout un dispositif de recherche, parviennent à entrer en contact avec elle, « Je suis dans la mangrove, pieds et poings liés », assure-t-elle. A 18h15, elle va de nouveau téléphoner à son copain pour l’avertir qu’elle est bien rentrée à Sada, « tout le monde est alors rassuré », indique le juge Banizette qui préside l’audience. L’enquête va pouvoir commencer.
Robe déchirée
Les gendarmes de Sada se rendent sur place, prélèvent les vêtements comme le veut la procédure en cas de viol, « vous portez alors une robe déchirée au niveau de la poitrine ». Mais ils ne relèvent aucune traces de sperme. Leur défiance va s’accroitre lorsque, les jours suivant lors d’une reconstitution du trajet en Petite Terre, elle donne des indications qui ne correspondent pas avec les horaires des textos.
Le portrait robot qu’elle livre, l’exploitation des données de son téléphone, l’absence de trace d’agression sexuelle constatée par le médecin et les bandes de video surveillance de Petite Terre, finissent par mettre complètement en doute ses accusations d’enlèvement, de séquestration et de viol. Mais face aux gendarmes, elle maintient.
Ils examinent alors les fadettes (factures détaillées de téléphone) et la géolocalisation de son téléphone : « tout indique que vous vous êtes rendue à Sada après avoir pris la barge. » Elle finit par craquer, « j’ai menti, juste pour embêter mon copain qui ne voulait pas m’accompagner à une fête d’anniversaire », répète la jeune femme élégante et menue, à la barre, « c’est grave ce que j’ai fait. »
« Des gendarmes employés au maximum des possibilités »
Et en écoutant les représentant de la gendarmerie, on comprend les conséquences de son mensonge : « Nous avons lancé des recherches opérationnelles en mobilisant 30 gendarmes, départementaux et mobiles, appuyé par la brigade cynophile et l’hélicoptère au dessus de la mangrove. » Puis ce sera l’enquête, « 3 à 4 personnes pendant plusieurs jours ». Un préjudice qu’il estime très précisément à 12.632 euros, « le plus coûteux, c’est une heure d’hélicoptère. »
Au delà du préjudice financier, le procureur Joël Garrigue dans son réquisitoire soulignera que l’ampleur des moyens déployés menaçait de perturber l’organisation générale sur l’île : « 10% des effectifs de gendarmerie mobilisés en patrouille, hélicoptère et chien, alors que nous manquons cruellement de moyens en force de l’ordre ici à Mayotte par rapport aux autres départements. Face à l’explosion de la délinquance, ils sont employés au maximum de leurs possibilités. Si une autre personne avait eu besoin d’aide à ce moment ?! », interpelle-t-il la prévenue.
Un monde imaginaire
Sa toute jeune avocate Kassurati Mattoir, reconnaît l’ampleur des moyens sollicités, et notamment judiciaires, mais souligne l’immaturité de sa cliente : « Arrivée à 13 ans à Mayotte sans kwassa, elle ne travaille pas, vit de temps en temps chez son copain, ou chez sa tante, et, sans parents, doit s’occuper de sa petite sœur. Elle s’est inventée un monde imaginaire depuis cet âge et n’a pas vraiment évolué. C’est de la mythomanie. » Pour elle comme pour sa cliente, des travaux d’intérêt général seraient l’outil idéal pour la confronter à la réalité et réparer.
Mais des travaux qu’elle ne pourra effectuer, étant en situation irrégulière à Mayotte : « Je vous condamne donc à deux mois de prison avec sursis avec mise à l’épreuve de 18 mois au cours desquels vous réparerez les dommages accompagnée par le conseiller d’insertion et de probation, ainsi qu’à un stage de citoyenneté », livrait le juge. Qui demande aussi le remboursement des 12.632 euros. L’avocate nous indiquait vouloir faire appel de ce dernier point en référence à une jurisprudence, « la désorganisation du service n’est pas un motif suffisant. »
A la barre, le représentant de la gendarmerie indiquait qu’il arrivait, en métropole comme à Mayotte, que des dénonciations de vol soient mensongères, « mais jamais dans de telle proportion », relevait-il.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte