Un peu partout maintenant sur l’île fleurissent des comités visant à exclure du village des étrangers en situation irrégulière. Comme à Poroani et Tsimkoura, des familles entières de Choungui ont du partir, laissant des cases qui ont été détruites par des habitants. « On peut comprendre cette action lorsqu’elles sont menées contre des délinquants, mais ces gens n’ont rien fait pour mériter ça ! », s’exclame une habitante du village voisin de Tsimkoura.
Avec l’association du Comité comorien du sud de Mayotte, elle a décidé de leur venir en aide en leur apportant de la nourriture : « Je suis anjouanaise en situation régulière pour habiter depuis 30 ans à Mayotte, et je ne désapprouve l’action qui vient d’être menée. »
Mohamed Moigni, un des responsables de l’association collecte depuis hier des dons de la population pour venir en aide aux décasés : « Plusieurs personnes sont solidaires, surtout que beaucoup de ces gens ont des papiers. »
Deux mamans se présentent : elles ont été appelées par le collège de Kani-Kéli qui demande de justifier l’absence de leurs enfants, et veulent s’y rendre pour expliquer la situation.
La PAF en service après-vente
De très jeunes bébés ont passé deux nuits dehors, l’opération ayant débuté dimanche matin pour se terminer lundi vers 22 heures. Une petite fille a un bandage à l’œil : « Elle a reçu un caillou, nous avons été malmenés », raconte un homme qui nous montre une plaie au genoux. Une femme aurait été transportée à l’hôpital après le caillassage.
Des cases détruites, des économies volées… les familles ont une explication : « Ce sont des jeunes qui nous ont fait partir, mais sous l’impulsion d’un meneur qui nous employait et qui devait payer notre salaire. » Les habitants de leurs côtés invoquent les vols à répétition dans leurs champs pour justifier leur action.
Peu après notre passage, la PAF (Police aux frontières) est arrivée, pour contrôler les papiers, embarquant 32 personnes vers le Centre de Rétention Administrative (CRA). Une sorte de service après-vente de la préfecture en quelque sorte.
Laisser-faire de l’Etat
L’Etat est de plus en plus montré du doigt : par les habitants de l’île pour le « laisser-entrer » d’étrangers en situation irrégulière que les 374km2 de l’île ne peut absorber d’un côté, et par les associations de défense des droits de l’homme ensuite, pour ne pas s’interposer lors des « décasages », et surtout avoir laissé des familles avec de très jeunes enfants dormir dehors sans protection. Du jamais vu, même à Calais.
Ils seraient environ 200 à avoir besoin d’être relogés, selon Kamalay Saindou, responsable de l’association Solution éducative de Poroani : « On entend parler d’une solution provisoire à Kani-Kéli. » Mais les habitants de ce village ont déjà fait connaître leur désapprobation d’accueillir un tel convoi…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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