En pleine crise de société, la parole de Mayotte était particulièrement attendue lors de la journée des Outre-mer, à la veille du 99e congrès des maires de France. Alors que la situation dans notre département suscite au mieux de l’incompréhension, Saïd Omar Oili a tenu faire le point sur différents sujets qui peuvent interpeller, en métropole et dans les autres Outre-mer.
Rendant un nouvel hommage aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, il a d’abord rappelé qu’à Mayotte, la religion n’est pas un sujet. «La laïcité nous est naturelle. Les musulmans de Mayotte savent lire le Coran avec sagesse pour y trouver les sources d’une ouverture aux autres religions et respecter la diversité des opinions de chacun», a-t-il expliqué.
De même, après la grève générale qui a beaucoup fait parler, il a indiqué que si «le climat social est aujourd’hui apaisé», la «situation demeure fragile.» Quant au «palier terrible» franchi par l’insécurité, il a remis dans les mémoires l’élan du 19 avril, le jour où «la réaction citoyenne face à cette violence inédite a été formidable».
«Toute la population de Mayotte s’est retrouvée dans sa diversité pour exprimer son refus de la violence. Jamais une telle foule ne s’était réunie à Mamoudzou sur la Place de la République. Dans la dignité et sans aucune récupération politique, l’île entière appelait à la paix et à la sécurité.»
Les Mahorais ne sont pas les seuls responsables
Ces préalables lui ont ensuite permis d’expliquer à ses homologues, «le sentiment d’abandon» qui «a gagné du terrain» à Mayotte. Délinquance galopante, fiscalité locale écrasante, services publics «surchargés et défaillants»… Il a dénoncé un «contexte de pourrissement» qui a attisé «l’exaspération des Mahorais» jusqu’à entraîner la crise des délogements que l’on connaît.
«Je condamne fermement ces expulsions. Que la population de ces villages se fasse justice elle-même, cela n’est pas tolérable dans un Etat de droit. Toutefois, je n’accepterai pas que l’on désigne les Mahorais comme seuls responsables de cette situation. Ce serait une profonde injustice.
Avant de condamner l’ensemble des Mahorais pour ces récentes expulsions, ou de nous accuser de xénophobie, j’aimerais que chacun mesure le seuil de tolérance des Mahorais par rapport à la situation que nous vivons», a-t-il affirmé.
Une République fraternelle pour éviter que Mayotte sombre
«Nous subissons une pression migratoire qui a pour conséquence de priver nos enfants d’une bonne éducation et nos familles de soins médicaux de qualité. Nous voyons nos terres squattées. La nature est détruite à cause d’une urbanisation anarchique faite de bidonvilles qui grossissent de jour en jour. La justice est débordée et l’impunité devient la norme. Tout cela se déroule sous nos yeux sans réaction ferme de l’Etat.»
Pour lui, «l’engagement de l’Etat doit maintenant encore plus s’affirmer» dans l’exercice de ses missions, pour redonner un sens aux valeurs républicaines. La liberté, «de circuler sans craindre d’être agressé et à la liberté de jouir de la propriété en toute sérénité». L’égalité, «d’accès à une éducation et à des services de santé de qualité, ainsi que l’égalité devant la justice et devant l’impôt». Et la fraternité.
«Malgré nos différences culturelles, Mayotte est un territoire de La République. Et seule une République fraternelle, porteuse de ses valeurs universelles permettra à Mayotte de cesser de sombrer et d’entrer dans une phase de développement».
Pour que les valeurs humanistes s’expriment à nouveau
Et si Saïd Omar Oili met l’Etat français en accusation, il n’épargne pas non plus les Comores où «les gouvernements successifs n’ont pas su offrir un avenir à leur population, les condamnant à la misère. Mayotte sert alors de bouc émissaire pour dédouaner les politiques comoriens de leurs responsabilités», a-t-il relevé.
Finalement, il a tenu a réaffirmer ce que sont les mahorais, malgré la situation actuelle et l’image qu’elle envoie au reste de la nation: «accueillants, profondément généreux et ouverts à tout être humain. Je ne vois pas de territoire aussi contraint que le nôtre qui aurait pu accepter ce que nous acceptons.»
«J’ai l’espoir que nous trouvions ensemble les réponses à cette grave crise et que l’on permette aux valeurs humanistes que nous portons haut à Mayotte de s’exprimer à nouveau. Pour cela chacun doit jouer son rôle et assumer ses responsabilités», a-t-il conclu… Ceci est donc aussi valable pour les maires et les élus locaux, dont il s’est tout de même bien gardé de pointer les rôles.
Car si le discours est fort, on ne peut que constater que la crise actuelle s’est installée. Les responsabilités de chacun posées, c’est bel et bien une nouvelle situation de pourrissement à laquelle nous sommes confrontés. Et nous n’en voyons toujours pas l’issue.
RR
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