C’est le plus beau des films qui va faire vibrer la salle du cinéma Alpa Joe ce samedi matin. De 8h30 à midi, vous pourrez plonger dans les merveilles des barrières coralliennes de Mayotte en restant au sec. Les Naturalistes proposent une dernière conférence «Nature et patrimoine» consacrée aux récifs de coraux avec comme ambition que nous les comprenions un peu mieux pour ainsi les préserver.
Pascal Guillemet-Claudet, enseignant en sciences et vie de la terre (SVT), y présentera les êtres vivants bioconstructeurs des récifs coralliens, les relations écologiques au sein du lagon et les évolutions de notre milieu marin face aux perturbations humaines et globales, malheureusement nombreuses.
Pour promouvoir cette conférence, les Naturalistes ont puisé dans un argumentaire de plus en plus répandu en matière de protection de l’environnement: l’économie. Car protéger les coraux de Mayotte, ce n’est pas seulement vouloir préserver la biodiversité, c’est aussi défendre nos intérêts économiques.
Car notre nature a une valeur, en monnaie sonnante et trébuchante et l’IFRECOR* l’a même chiffrée : En 2014, nos récifs de coraux représentaient chaque année une richesse de 28 millions d’euros.
La valeur de la nature
Ce n’est évidemment pas la nature en elle-même dont la valeur est ainsi estimée mais les activités humaines qu’elle génère et les sommes qu’il faudrait débourser pour obtenir artificiellement les effets bénéfiques que génère naturellement notre environnement.
Premier secteur, la protection côtière. L’action des barrières coralliennes est estimée à 11 millions d’euros. A Mayotte, la majeure partie de la population réside sur la bande littorale et la plupart de nos grands équipements sont construits au bord de l’eau, à commencer par l’aéroport et la zone économique de Kawéni. En atténuant les effets des fortes tempêtes et des houles cycloniques, les récifs coralliens et les mangroves protègent les populations et les infrastructures.
L’IFRECOR a chiffré à 105 millions d’euros, la valeur totale des dommages qui sont ainsi évités lors des évènements climatiques extrêmes. En considérant la fréquence de passage d’un cyclone ou de fortes tempêtes tous les 10 ans en moyenne, les récifs et mangroves participent donc à une économie annuelle de près de 11 millions d’euros.
Des centaines d’entreprises et d’emplois
Deuxième secteur directement lié aux coraux: la pêche. Elle représente 9 millions d’euros. L’IFRECOR note que plusieurs centaines de pêcheurs vivent de la pêche vivrière ou professionnelle, qui se monte à plus de 2.000 tonnes de captures chaque année. Cette pêche constitue également un complément de revenus ou de protéines très important pour près de 5.000 ménages de Mayotte.
La pêche destinée à l’autoconsommation représente 1,7 millions d’euros sur les 9 millions générés chaque année dans les 80 points de débarquements autour de l’île ou dans les points de vente officiels. Deux tiers des poissons frais consommés à Mayotte proviennent de la pêche côtière locale… même si son impact et sa durabilité sont en question.
Le tourisme et les loisirs sont le 3e secteur qui s’appuie sur la bonne santé du lagon. On parle de 6 millions d’euros avec 45.000 touristes chaque année, 200.000 visites annuelles sur le récif, des activités sous-marines, nautiques, de plaisance, d’observation des tortues et des mammifères marins… «Les récifs coralliens et les écosystèmes associés bénéficient déjà à 550 entreprises et génèrent 600 emplois déclarés dans le secteur hôtelier et restauration. Les activités nautiques et la plongée permettent 100 emplois dans 40 entreprises spécialisées. Le tourisme bleu offre encore un potentiel de croissance important s’il est accompagné d’une bonne gestion des récifs, mangroves et herbiers dont le bon état conditionne l’attractivité», note l’IFRECOR.
Un rôle dans la lutte contre le changement climatique
Enfin, les mangroves et les herbiers marins jouent un rôle dans la régulation des rejets des activités humaines. L’IFRECOR estime à 28.000 tonnes, la quantité de carbone captée et séquestrée chaque année. «L’estimation du stock total de CO2 déjà contenu dans le sous-sol mahorais varie entre 0,4 million et 1 million de tonnes». La valeur annuelle de ce «service» rendu par les écosystèmes est estimée à un peu plus de 2 millions d’euros… Mais nous le mettons en danger. Creuser les premiers mètres de sol entraine en effet une réduction des capacités de stockage et une libération du carbone fixé, participant aux dommages liés au changement climatique.
Pour mémoire, à Mayotte les mangroves couvrent une surface de 7,35km2 et les herbiers de surface 7,6km2.
Moralité, ce rôle économique du lagon met en évidence l’importance de la gestion des milieux naturels marins comme un outil de développement économique durable de Mayotte. Et c’est donc un peu de cet environnement sous-marin que les Naturalistes vous proposent de (re)découvrir ce samedi.
RR
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*IFRECOR : Initiative française pour les Récifs Coralliens. Cette étude date de 2014. Intitulée «Récifs coralliens, mangroves et herbiers de Mayotte : valeur économique des services écosystémiques. Valeurs d’usages directs et indirects», elle a été réalisée par Nicolas Pascal, Guillaume Le Port et Michel Allenbach.