Sur 8 maires des communes sinistrées, 5 avaient pu se libérer, et les communes de Kani Keli, Sada, Bandrélé, Dembéni et Boueni étaient donc représentées, ainsi que celle de Labattoir puisque Saïd Omar Oili, président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), après avoir laissé planer le doute, s’était finalement déplacé. La réunion s’est tenue ce vendredi à la DEAL de 15h à 17h.
Ahmed Soilihi, maire de Kani Keli, n’en sort pas enthousiasmé : « Ce sont les mêmes réunions qui se suivent. Aucune préconisation sérieuse n’est arrêtée, alors que les Mahorais et les enfants surtout, souffrent de deux mois de quasi déscolarisation, la pénurie ayant succédé aux grèves des instituteurs. » Il explique que quasiment toutes les écoles de sa commune sont ouvertes, mais sur des temps réduits, pour des raisons sanitaires.
Il en attend plus car en tant qu’élu de proximité, il se dit confronté aux problèmes de ses administrés au quotidien : « Si on fait venir un tanker, l’eau ne sera pas potable. Mais les gens ont besoin de boire et d’eau pour l’alimentation. »
Attention à l’eau des puits
Pour Anchya Bamana, l’absence des élus concernés par la pénurie lors des Comités de crise, obère la prise de conscience de la situation : « Je ne pense pas que les personnes présentes prennent la mesure de ce que nous vivons, et du coup, l’Etat ne perçoit pas l’ampleur de la crise qui pourrait être sanitaire. Nous, élus, sommes les premiers responsables de ne pas avoir assez interpellé des autorités sur la gravité de la situation. » Elle vise naturellement le Nema Saïd Omar Oili, et accuse : « Il n’a jamais réuni les 8 maires concernés pour pouvoir faire remonter nos demandes. »
Les problèmes sanitaires, l’élue a pu les détailler à l’ARS : « Beaucoup d’habitants réactivent ou creusent des puits, mais l’eau est-elle potable ? » Car les risques de contamination de la nappe phréatique par les fosses septiques individuelles, sont réels.Le préfet, dans un communiqué consécutif à cette rencontre, confirme en indiquant que « la consommation humaine d’eau pluviale mais aussi celle provenant de puits dont la qualité n’est pas assurée, est formellement déconseillée »*, et annonce de nouveaux points de rampes d’eaux potables.
Le tanker, une fausse-bonne idée ?
Les maires du sud ont l’impression que la communication ne suffit plus, « les habitants saturent, ne font plus bouillir l’eau lors de la connexion au réseau un jour sur trois », met encore en garde Anchya Bamana, qui appelle à 3 axes de travail : « Améliorer les conditions de scolarisation, acheter de l’eau en bouteille pour les enfants, mettre en place des citernes pour les écoles non branchées au réseau ».
Quant au tanker, elle s’interroge : « Dans quel délais ? Qui va payer ?** Ne faudrait-il pas mieux utiliser ce financement pour construire rapidement une usine de dessalement ? » Une usine qui a l’air de faire consensus parmi les élus, Saïd Omar Oili ayant déjà évoqué l’idée. Surtout que le SGAR les a informés de l’existence de fonds européens : « 14 millions d’euros seraient disponible. »
Les mesures envisagées par l’Etat
Le préfet de son côté salue « les efforts des habitants du Sud de Mayotte, qui, depuis sept semaines ont adapté leur quotidien aux restrictions d’eau et qui font preuve d’un comportement exemplaire. » Il a évoqué en présence des maires ses nombreuses sollicitations auprès du gouvernement, et, en réponse à la demande des élus de placer le département en état de catastrophe naturelle, « il a annoncé avoir demandé de débloquer le Fonds de secours d’urgence pour les DOM », souligne Anchya Bamana.
Les mesures qui sont déployés par l’État à court et moyen terme, ont été rappelées par Frédéric Veau : le recours à un tanker « pour lequel le groupe Vinci mène actuellement une étude de faisabilité », l’interconnexion des réseaux Nord et Sud, l’identification de nouvelles ressources, l’incitation à l’installation de systèmes de récupération des eaux de pluies, l’équipement des bâtiments publics et collectifs en réducteur de débit, la conduction des études sur la surélévation de la retenue collinaire de Combani, l’optimisation du réseau d’adduction et le lancement d’une étude sur une usine de potabilisation aux abords de la rivière Dembéni.
Implication du ministère des Outre-mer
Un communiqué en provenance de la rue Oudinot, (Lire CP – E. Bareigts – Approvisionnement en eau des écoles – Mayotte) informait dans la soirée, qu’Ericka Bareigts, avait décidé d’accorder un financement d’urgence de 500 000 euros pour répondre aux besoins des écoles mahoraises « qui font face à d’importantes difficultés d’approvisionnement en eau. Cette somme sera gérée par le Préfet de Mayotte, en étroite concertation avec les maires. Elle permettra l’achat de citernes et de bouteilles d’eau pour que les écoles puissent assurer dans de meilleures conditions l’accueil des élèves », indique la ministre en redisant sa solidarité avec les Mahorais et les Mahoraises.
Elle conclut sur l’impossibilité de classer l’île en catastrophe naturelle, « celle-ci ne couvrant que les biens assurés ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*Au regard de la situation, il est essentiel que chacun prenne conscience de ses habitudes de consommation. L’eau est vitale, elle doit faire l’objet d’une consommation raisonnée. Il est rappelé que pour les communes touchées par les tours d’eau, l’eau qui provient du robinet, pour les usages alimentaires, la toilette des nourrissons et le lavage des dents, doit être portée à ébullition pendant 5 minutes, stockée dans un récipient fermé, propre et rincé à l’eau bouillante, dans un endroit frais, à l’abri de la lumière pendant 72h maximum.
L’eau provenant des rampes de distribution est potable et doit être stockée dans un récipient propre rincé à l’eau bouillante, dans un endroit frais, à l’abri de la lumière pendant 72h maximum.
L’arrêté restreignant les usages de l’eau s’applique à l’ensemble du territoire. Sa stricte application est une manifestation de solidarité envers les habitants du sud de l’île et une contribution aux efforts d’économie d’eau.
Pour toute question concernant les tours d’eau, la SMAE assure un standard téléphonique au : 02.69.61.11.42 (option 3).
** Le communiqué d’Ericka Bareigts précise que : « La solution de l’envoi d’un tanker est activement travaillée. Dans cette hypothèse, l’Etat, pour marquer sa solidarité avec les communes, contribuerait au financement de l’opération et tous les services (Etat, communes, SIEAM et Vinci – le délégataire-) participeraient aux travaux permettant d’acheminer l’eau pour les habitants. »