Une «campagne populaire» pour apprendre à vivre avec la crise de l’eau

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Les rampes d’eau au centre de nombreuses questions de la population

Trois mois et demi après le début des coupures d’eau dans les 8 communes du sud, l’Agence régionale de santé (ARS OI) a mis en place de nouvelles réunions d’information avec les mairies, pour que les habitants puissent parler des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien depuis le début de la crise de l’eau. Un porte-parole pour ces questions a même été désigné par l’ARS pour piloter ces rendez-vous. «Nous avons déjà fait des choses. Les gens ont déjà eu des informations avec des spots à la radio et avec les affiches diffusées dans les médias, dans les mairies et les établissements scolaires. Près de 1.000 flyers ont été distribués aux jeunes via les écoles coraniques et une médiation sociale a été engagée par les cadis. Maintenant, on passe à la phase sociale», explique Mouhoutar Salim, ingénieur sanitaire à l’ARS.

Ces «séances populaires» d’information semblent d’autant plus importantes que la surveillance des hôpitaux de Kahani et de Mramadoudou fait apparaître un nombre anormalement élevé de cas de diarrhées aigües dans le sud. Dans les officines, les pharmaciens confirment la situation sans qu’il soit possible de connaître précisément l’ampleur du problème.

Mouhoutar Salim décrit une société jadis ouverte, qui se replie sur elle-même
Mouhoutar Salim porte-parole de l’ARS sur les questions liées à l’eau

«Il faut sans cesse rappeler, qu’il ne faut pas consommer une eau du robinet quand elle est trouble (turbide). Lors de la réalimentation en eau, des matières d’habitude déposées dans les canalisations se retrouvent dans l’eau et entraînent ce trouble. Le problème, c’est que cela réduit les effets du chlore. On peut donc avoir des bactéries en plus grand nombre dans l’eau trouble qui ne doit donc pas être considérée comme potable».
Diarrhées, salmonelloses, fièvre typhoïde, amibes, choléra… les maladies liées à l’eau peuvent être nombreuses et elles ne doivent pas être prises à la légère, car les conséquences peuvent être importantes.

Des questions sans tabou

A Bandrélé, la réunion a donc permis aux personnes présentes de poser des questions pratiques et d’avoir des informations très concrètes. Pourquoi faire bouillir l’eau du robinet pendant au moins 3 minutes pour la rendre potable? «C’est le temps nécessaire pour atteindre une température supérieure à 100° pour être certain d’éliminer toutes les bactéries», explique Mouhoutar Salim.

ARS eauPourquoi l’eau des rampes est-elle potable et pas à la maison? «Les rampes sont approvisionnées par des branchements à la sortie des réservoirs, en amont du village. L’eau y circule en continue, il n’y a donc pas de problèmes de bactéries».

Des questions portent aussi sur la localisation des rampes d’eau. Certains trouvent qu’elles sont trop loin des centres des villages… et peut-être un peu trop près des quartiers de bangas. «Certaines personnes disent que les quartiers avec beaucoup d’immigration irrégulière sont privilégiés. En réalité, personne n’est privilégié», insiste Mouhoutar Salim. «Pour avoir une eau de qualité, il faut que les rampes soient à proximité des réservoirs qui sont en périphérie et en hauteur, des zones qui sont aussi souvent des quartiers de bangas».

Dembéni et Sada

Organiser de telles «séances populaires», permet à la population de s’approprier la crise, d’en détenir les tenants et les aboutissants et au final d’en devenir acteur pour ne plus simplement la subir. «Nous allons devoir changer nos comportements et opter pour des gestes simples et responsables. Cette phase d’appropriation de la crise est vraiment essentielle, il faut donc en parler, en français, en shimaore et en kibushi».

L'utilisation de l'eau des rivières en question (Image: ARS)
L’utilisation de l’eau des rivières en question: plus question de faire comme autrefois, les dangers pour la santé sont trop grands (Image: ARS)

Des moments d’échanges ont déjà été organisés dans les PMI et les dispensaires, en lien avec l’IREPS, et d’autres «séances populaires» sont déjà programmées: à Dembéni, ce vendredi 7 avril puis à Sada le mardi 11 avril.

«Ce n’est pas la première fois que Mayotte est confrontée à une crise de l’eau. En 1997, nous avions déjà subi des restrictions et elles avaient abouti à la réalisation de l’usine de désalinisation de Petite Terre. Mais la crise n’avait duré que 4 mois. Cette fois-ci, comme on dit en mahorais, ‘Neka mtru kapawa kahoyo uvura’. Littéralement, ça veut dire ‘tant qu’on est pas arrivé sur l’autre rive, on ne peut pas cesser de ramer… Autrement dit, on n’est pas sorti de l’auberge. Nous allons vraiment devoir apprendre à vivre avec cette question».

RR
www.lejournaldemayotte.com

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