La faible pluviométrie met en évidence une gestion aléatoire de la ressource en eau

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La toujours inquiétante retenue collinaire de Dzoumogné
Les courbes d'étiage montrent une situation comparable en 2012 et 2013
Les courbes d’étiage montrent une situation comparable en 2012 et 2013

L’indispensable pluviométrie est la première à nous avoir trahis, les nuages et systèmes se sont détournés du territoire, les nappes d’eau souterraines n’ont pas été abondées, et en l’absence de rationnement, il aurait fallu puiser dans la retenue de Combani 3 mois trop tôt.

Tours d’eau, captages, étiage… autant de vocabulaire que n’avait pas à manier l’homme de la rue, qui se contentait d’ouvrir son robinet pour avoir, ça semblait naturel, de l’eau, et potable encore ! Depuis, nous avons acheté des jerricans pour aller comme nos ancêtres, les remplir à la source, consommé davantage de gaz ou d’électricité pour faire bouillir l’eau, et entamé des incantations en regardant le moindre petit cumulus. Cela n’a apparemment pas suffi, au point où notre monsieur Météo local envisageait de convoquer un sorcier.

L’absence de gros système, en dehors d’un épique samedi de février, a impacté sur la pluviométrie. Et pourtant, on nous explique que la retenue de Combani est remplie à 86 % (avant les pluies du week-end), et le sera tout à fait d’ici 15 jours étant donné les ruissèlement qui continuent à l’abonder. En regardant les courbes annuelles des retenues, on voit qu’elles sont en maximum de remplissage en mars.

Le BTP consommateur d’eau potable

Un forage agricole à Majimbini
Un forage agricole à Majimbini

Et pour cause, en saison des pluies, l’exploitant SMAE ne prélève jamais dans la ressource. Il se contente des captages. Il s’agit de prélever l’eau, soit en surface dans une rivière, soit dans le sous-sol, par forage pour atteindre les nappes aquifères. Sur lesquels il a actuellement une bonne visibilité pendant 3 semaines, ce qui explique l’arrêt momentané des coupures dans le Centre et le Sud.

Les taux de remplissage des retenues que nous diffusions pendant ces semaines de pénurie n’apportaient donc pas d’indication à court terme, mais sur la capacité ultérieure en eau potable de l’île. Puisque c’est chez elles que l’exploitant va puiser en saison sèche. Or, nous abordons actuellement la saison sèche avec une capacité proche de celle des années 2012 et 2013.

Mais notre réserve dépendra notamment de la date à laquelle la SMAE va puiser dans la retenue. Ce fut très tôt en 2015, alors qu’en 2011, la retenue n’avait été sollicitée qu’en août. Un décalage qui aurait du servir de signal d’alerte. Il s’explique par plusieurs facteurs. La consommation d’eau potable qui s’est accrue de prés de 30% de 2011 à 2016. Provoqué par la croissance de la population (87,3% de la consommation d’eau potable), par le développement économique de l’île (3,7% de la consommation), notamment par le BTP. Une activité qui ne nécessite pourtant pas une eau potable, des études seraient à mener sur ce biais. Tout comme les réparations des fuites sur le réseau d’adduction.

Combani remplie malgré la faible pluviométrie

En mai, le débit des rivières sera regardé de prés
Le couvert végétal réduit l’évaporation

Dans le rapport 2015 de l’IEDOM (celui de 2016 n’est pas encore paru), on observe que l’accroissement du nombre d’abonnés sur la période 2011-2015, +8,6%, est très inférieure à celle du volume d’eau consommée, +19%. C’est à dire qu’un seul compteur alimente de plus en plus de familles. Une campagne en faveur de la mise aux norme des branchements comme l’a pratiqué EDM, ne serait pas un luxe.

Face à cet accroissement de la demande qui se heurte à une faible pluviométrie, la capacité de production de la ressource est restée quasiment la même, hormis la mise en œuvre de quelques forages. Or, si en dépit des faibles pluies, la retenue de Combani est bientôt à 100%, on imagine que le trop plein est conséquent les autres années, et que la retenue déborde abondamment dans la nature, sans que la ressource soit intégralement récupérée dans les rivières ou par infiltration.

La SMAE (Groupe Vinci), dont les recettes avoisinent 20 millions d’euros par an selon nos informations, est attendue sur la réalisation rapide de nouveaux ouvrages.

Les rivières s’évaporent dans la nature

La retenue collinaire de Dzoumogné fin 2013
La retenue collinaire de Dzoumogné fin 2013

En urgence, la décision a été prise de relever le niveau de la retenue de Combani avec des madriers avant la fin de la saison des pluies. Elle va encore prendre de la hauteur cette année, en étant rehaussée de 30 cm, permettant de stocker 75.000 m3 supplémentaires, et enfin, d’au moins 1m l’année prochaine, sous la surveillance d’experts, pour gagner 250.000m3 de plus. Le tout permettra de compter sur un mois de consommation supplémentaire.

Autre axe de travail, la protection de nos rivières a fait l’objet de nombreuses demandes, notamment de la Fédération Mahoraise des Associations environnementales (FMAE). Entre aussi dans ce champ, la restauration du couvert végétal, « tout a été déboisé autour des rivières pour planter des bananiers qui empêche toute infiltration, elles se retrouvent alors à nu, laissant s’évaporer une grande partie sous le soleil écrasant », nous expliquait un technicien du Syndicat des Eaux. La rivière ne fournissant plus assez, on puise dans la retenue de Combani pour alimenter l’usine de l’Ouroveni. La replantation appelle à l’éviction des cultures illégales et à l’organisation d’une surveillance.

Quant à la retenue de Dzoumogne (2 millions de m3) il suffit suivre les courbes de l’historique pour comprendre qu’elle n’a pas toujours été pleine. Des travaux ont été effectués en urgence pour dévier les crues éventuelles de la rivière Mapouera qui l’abondent, vers la retenue. La régularisation du débit des cours d’eau semble devenue une priorité. L’installation de pluviomètres dans le nord de l’île va permettre d’affiner les connaissances sur les modes de remplissage.

Outre les grands travaux annoncés de 3ème retenue, ou d’usine de dessalement, des solutions existent donc pour que les coupures ne soient qu’un mauvais souvenir, et non une menace permanente au-dessus de nos têtes. L’optimisation de la gestion de l’eau devient plus que jamais une priorité.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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