Ce sont de bonnes intentions souvent entendues à Mayotte: il faut s’occuper des mineurs à la dérive. Mais au-delà des mots, les actions sont souvent prises en défaut. Si l’aide sociale à l’enfance (ASE) est évidemment en première ligne sur ce sujet, elle est très souvent critiquée pour son manque d’empressement sur certains dossiers et en particuliers sur ceux qui concernent les mineurs sous le coup d’une décision de justice.
«On sait pourtant qu’éloigner des mineurs isolés des lieux où ils vivent, dès les premiers comportements répréhensibles, c’est quelque chose d’essentiel. Les placer dans une famille ou un foyer, c’est un des moyens pour qu’ils ne basculent pas dans la délinquance», explique Me Marjane Ghaem.
Malgré ce raisonnement de bon sens, ils sont nombreux à constater ce qui peut être considéré comme un véritable tri des enfants par l’ASE. Problème: cette sélection des dossiers traités concerne également les enfants pour lesquels la justice ordonne une mesure de placement. C’est tellement vrai que selon l’avocate, «on entend régulièrement dire dans les audiences que si le tribunal prend une ordonnance de placement provisoire (OPP), l’ASE ne l’exécutera pas».
Le rappel à l’ordre du tribunal administratif
C’est précisément ce qui arrivait à un adolescent âgé d’une quinzaine d’années depuis dimanche. Le garçon est clairement à la dérive, seul, vivant dans un squat et déscolarisé. Le juge pour enfants l’a mis en examen et, dans l’attente de son jugement, a décidé de mesures provisoires (éducatives) et d’un éloignement de Mtsamboro, la ville où il a commis les faits pour lesquels il était jugé. La question de son placement se pose alors. Une solution est trouvée via la PJJ pour cinq jours. Mais ensuite?
«Eh bien, ensuite, ça sera à l’ASE de jouer son rôle», se réjouit Me Marjane Ghaem. L’avocate a en effet obtenu du tribunal administratif (TA) que le garçon soit pris en charge par les services du département alors qu’«ils ne voulaient pas venir le chercher». La décision du TA est très claire: «Il est enjoint au président du conseil général de Mayotte de proposer à M. XX, dans un délai de deux jours à compter de la notification du présent jugement, une solution d’hébergement incluant le logement et la prise en charge de ses besoins alimentaires quotidiens, sous astreinte de 100 euros par jour de retard».
Des intentions aux actes
«C’est un très bon signe envoyé au département. Depuis toujours, l’ASE considère qu’elle peut détourner le regard. Elle considère que les mineurs qui ont affaire avec la justice relèvent de la PJJ, la protection judiciaire de la jeunesse. Le TA lui rappelle donc très clairement qu’une ordonnance de placement prise par un juge des enfants doit être exécutée», indique l’avocate.
Avec une telle décision, le parquet qui ne demandait plus systématiquement de tels placements, sachant leur mise en œuvre très aléatoire, va également pouvoir revenir à un fonctionnement plus traditionnel. Au moment où le département affiche de grandes et sincères ambitions sur les sujets sociaux et en particulier pour l’ASE, la justice lui rappelle que le temps est désormais venu de passer aux actes.
RR
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