Quand le sommeil tue au volant : 2 mois de prison avec sursis pour le conducteur

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La salle d'audience du tribunal de grande instance de Mamoudzou
Philippe Ballu intègre le cabinet d'Hakim Karki
Philippe Ballu présidait l’audience collégiale

Le 24 octobre 2015, C. décide de passer la soirée avec des amis. Ils se rendent à Mtsangamouji , puis à Acoua, pour atterrir vers 1h du matin en boite de nuit à Majicavo Koropa. L’un d’entre eux reste dormir dans la voiture. Sur la route du retour en direction de Bandraboua, C. se plaint à plusieurs reprises de fatigue auprès des passagers de la voiture. « Arrête-toi pour te reposer, tu roules trop vite », lui conseillent-ils, rapporte le président Ballu qui énonce les faits. Selon eux, la vitesse est alors de 30 à 40 km/h. Son permis est récent, il date de moins de 10 jours

Lui comme son passager, ont leur ceinture de sécurité, l’autre, à l’arrière, est un de ses cousins proches. Il se détache pour s’allonger.

Il est 4h30 quand ils arrivent dans la ligne droite avant Mtsahara. Epuisé, C. finit par s’endormir, et ne retrouve ses esprits que pour voir la Mégane, qui appartient au frère de son passager, foncer droit vers le fossé. Il braque, et percute un arbre, « intentionnellement » pour son avocat, ce qui aurait permis de minimiser le nombre de victimes.

« Gentil et sérieux »

La salle d'audience
La salle d’audience

Il aperçoit un témoin à qui il demande de contacter les pompiers, « qui arrivent rapidement sur place ». Le passager avant n’est que légèrement blessé, mais le jeune à l’arrière nécessite des soins urgents, il parvient à faire quelques signes aux enquêteurs, puis est transféré à l’hôpital où il décèdera 5 jours plus tard d’un traumatisme crânien.

Les premiers tests sont faits, C. n’a ni consommé d’alcool, ni de stupéfiant. Il reconnaît avoir eu sommeil pendant le trajet, et indique s’être brièvement arrêté à Bandraboua. En réalité, il aura seulement ralenti pour récupérer, puis a poursuivi sa route.

A la barre, C. est très affecté, parvient difficilement à articuler. Sachant sa proximité familiale et affective avec la victime de 21 ans, le président n’insiste pas, « ses parents n’ont pas déposé plainte et parlent de vous comme de quelqu’un de ‘gentil et sérieux’. Vous êtes d’ailleurs venu quasiment tous les jours lui rendre visite à l’hôpital. »

« A la limite de la faute pénale »

La substitut du procureur n’aura pas besoin d’élever la voix, il lui sera juste nécessaire de justifier la présence de cette affaire en correctionnelle : « nous sommes à la limite de la faute pénale et du concours de circonstance qui amène à ces conséquences dramatiques. » La famille s’est rendu au parquet, lui demandant de ne pas poursuivre, « mais nous avons décidé qu’il y avait bien faute pénale, en l’occurrence une négligence sur la prise de conscience sur votre état de fatigue, voir un entêtement, alors que les passagers vous avaient alerté. »

Etant donné l’impact sur le tronc d’arbre, la vitesse est estimée au dessus de 50 à 60 km/h, pensent le président Ballu et le parquet. Mais la responsabilité semble partagée, « si la victime avait été attachée, les conséquences n’auraient pas été si grave », souligne la substitut du procureur. Qui note que la peine, le conducteur la vit déjà « d’avoir perdu un être cher », et demande 6 mois de prison avec sursis.

Les faits sont avérés et reconnus, son avocat, Me Souhaili, va donc cibler la limite du motif de ce dossier retenu en correctionnelle : « Son comportement a-t-il causé la mort ? S’assoupir au volant est-ce une faute ? Le parquet semble penser que oui, nous pensons que c’est une fatalité, il va s’en vouloir toute sa vie. Il n’a d’ailleurs pas pu se rendre aux obsèques. » Il plaide la relaxe, ou, en cas de condamnation, la dispense de l’inscription sur le bulletin n°2 (B2) de son casier judiciaire. Le conducteur était contractuel au collège de Mtsamboro.

Il a été condamné à 2 mois de prison avec sursis et 100 euros d’amende pour blessures involontaires. La peine ne sera pas inscrite au B2. Son avocat indique qu’il ne fera pas appel.

A.P-L.
Le Journal de Mayotte

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