Le président de l’Ordre national des infirmiers est à Mayotte, «terre de toutes les urgences»

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L'arrivée du président de l'ordre national des infirmiers à Pamandzi, entourés de représentant de l'ordre dans l'océan Indien et de membres du SNIIL
L’arrivée du président de l’Ordre national des infirmiers à Pamandzi, entourés de représentant de l’ordre dans l’océan Indien et de membres du SNIIL

Dans la crise sanitaire que connaît Mayotte, on parle peu des infirmier(e)s qui sont pourtant en première ligne sur de très nombreuses questions. La venue à Mayotte de Didier Borniche, le président de l’Ordre national de la profession, est pour eux, l’occasion de faire entendre leur voix. Dans le département, ils représentent près de 90% de l’effectif paramédical. Mais, comme toujours en matière de santé, leur densité est bien faible comparée à la métropole. Chez nous, on compte 359 infirmiers pour 100.000 habitants contre 971 en métropole (hors remplaçants).

«Au quotidien, ils jouent un rôle à la fois majeur et singulier auprès des patients, souvent au plus proche de leurs besoins. Malheureusement, leurs conditions d’exercice se dégradent considérablement, et cela menace inévitablement la qualité des soins et la sécurité des patients», indique Didier Borniche.
Et des infirmiers aux conditions de travail «dégradées», Didier Borniche en a rencontré dès son arrivée à l’aéroport, où il a été accueilli par des membres du Syndicat National de Infirmières et Infirmiers Libéraux, bien décidés à lui présenter Mayotte, une «terre de toutes les priorités».

Expliquer le contexte et le quotidien

Le SNIIL a expliqué l’environnement dans lequel travaillent ses membres: à peine 52% des habitants qui ont un accès à la sécurité sociale, pas de CMU, pas d’AME, un déploiement incomplet de la carte Vitale, des prestations sociales inférieures à la métropole et aux autres DOM, des mutuelles peu développées et une richesse par habitant 4 fois inférieure à l’hexagone… Autant d’éléments qui ont «de lourdes répercutions sur les conditions sanitaires des habitants de l’île», ont expliqué les membres du SNIIL 976.

Didier Borniche, le président de l'ordre national des infirmiers
Didier Borniche, le président de l’ordre national des infirmiers

Il faut aussi y ajouter le contexte de l’habitat précaire, les difficultés d’accès à l’eau et une carence en offre de soins «non seulement en médecine spécialisée mais aussi en médecine générale et notamment en libéral avec 13 médecins de ville pour 300.000 habitants», ont précisé les infirmiers. «Chaque secteur de santé (CHM, PMI, scolaire, libéral) est saturé et d’autres font gravement défaut en particulier pour la gériatrie, la dermatologique et le palliatif».

«Nous avons détaillé ce que nous vivons au quotidien. Nous sommes obligés de composer et d’exercer dans un schéma très éloigné de la métropole»», explique Mirhane Abdallah du SNIIL. «Nous avons des problèmes de continuité des soins pour cause de pluies diluviennes, d’accès impossible, de circulation limitée et d’insécurité. Nous avons compté au moins 8 agressions durant les 6 derniers mois et nous travaillons parfois dans la peur, avec une arme de défense».

Une demande d’une antenne locale de l’Ordre

Cette visite du président de l’Ordre national est une bonne nouvelle pour les infirmiers qui espèrent voir rapidement une antenne créée à Mayotte. Pour le SNIIL, cela permettrait d’engager de nombreuses réflexions, par exemple sur «les soins à caractères humanitaires» que les infirmiers prodiguent faute de sécu et de moyens des patients, mais aussi sur la logistique propre à la profession en terme de partage d’informations ou de dossier médical unique, ou encore sur les difficultés à trouver des collaborateurs et des remplaçants.

L'institut des études de santé de Mayotte
L’institut des études de santé de Mayotte

Cette réflexion, les infirmiers souhaitent aussi qu’elle porte sur l’application du code de déontologie et les 9 priorités pour les infirmiers* qu’est venu présenter le président de l’Ordre. Car il paraît bien délicat à mettre en œuvre chez nous.

Ce code de déontologie comprend, en neuf points, l’ensemble des droits et devoirs des infirmiers, quels que soient leurs modes ou lieux d’exercice. Il clarifie notamment les relations avec les patients, les autres membres de la profession et les autres professionnels de santé.
«Il marque l’autonomie de la profession», souligne M. Borniche. «Le code de déontologie est un élément fédérateur puissant qui permet d’affirmer le primat des valeurs de notre profession sur toute autre exigence».

L’Ordre, conscient de «l’épuisement» des infirmiers

Face aux libéraux, le président de l’Ordre s’est montré «rassurant», compréhensif de la situation locale. «L’épuisement professionnel se ressent de manière collective et dans tous les modes d’exercice. Les conditions de travail ou le déficit de reconnaissance constituent des sujets de préoccupation majeure», ajoute-t-il.

A Mayotte, Didier Borniche doit rencontrer l’ensemble des acteurs de la santé, responsables hospitaliers, syndicaux, de l’ARS, les infirmiers salariés du public et les étudiants infirmiers. Et pour bien comprendre la situation, une mise en situation devait être également à son programme. Le président devait suivre une infirmière dans sa tournée pour mesurer, concrètement, les enjeux de la profession dans notre département.

RR
www.lejournaldemayotte.com

*Les neuf priorités des infirmiers :
– Priorité n°1 : Risques, violence, protection
Que ce soit à l’hôpital ou dans les soins à domicile les infirmiers assistent à une hausse des violences envers les infirmiers, entraînant une dégradation de leurs conditions d’exercices. « Nous souhaitons que les pouvoirs publics et les établissements de santé agissent en conséquence (tolérance zéro) et réclamons l’allocation de crédits dédiés afin notamment de mettre en place : des systèmes connectés d’alarme, un plan de formation préventive pour l’ensemble des infirmiers qui se déplacent au domicile des patients, une sévérité exemplaire des tribunaux ».

– Priorité n° 2 : Infirmiers, participons, co-décidons
Les infirmiers veulent être présents dans les grandes instances de décision sur les questions de santé. Ils souhaitent donc des infirmiers conseillers dans les ministères qui les concernent (Santé, Education nationale, Travail, Affaires sociales), des infirmiers présents et dont la participation est réellement prise en compte (par voix délibérative), dans les instances de décision du secteur (Haute autorité de santé, Agence nationale de sécurité du médicament, Agences régionales de santé…

– Priorité n° 3 : Des actes infirmiers justement valorisés
Pour les infirmiers, la société évolue, les actes infirmiers aussi. Ils estiment donc que la nomenclature des actes infirmiers (qui fixe notamment la tarification de l’exercice libéral) doit évoluer et s’adapter à la charge que représentent les actes quotidiens.

Priorité n° 4 : L’égalité d’accès aux soins comme principe fondamental
Les infirmiers demandent qu’on préserve «les principes fondamentaux de l’universalité et de l’égalité d’accès aux soins au travers de notre Sécurité sociale».
– Priorité n° 5 : Plus de prévention, une meilleure coordination
Les infirmiers réclament la mise en place d’une coordination plus efficace entre les différents intervenants, afin notamment d’assurer une prise en charge globale des patients, volet social compris; les infirmiers pourraient y contribuer. Ils veulent la création d’un statut d’infirmier référent-coordonnateur, acteur pivot d’une prise en charge pluridisciplinaire. Une meilleure valorisation du temps consacré par l’infirmier à la prévention et à l’éducation pour la santé, et ce, dans des domaines variés (sexualité, vaccination, alimentation, addictions, suicide…), et dans tous les lieux d’exercice (école, entreprise, crèches, PMI, domicile).
– Priorité n° 6 : Qualité et sécurité des soins
Les infirmiers demandent le renforcement des normes de qualité et de sécurité des soins pour assurer une bonne prise en charge du patient. Par exemple, en définissant un nombre maximum de patients par infirmier, selon les secteurs d’activité. Systématiser le compagnonnage (accompagnement par un infirmier senior)dans la prise de nouvelles fonctions. Un encadrement de proximité dans les services, assuré par un cadre issu de la filière infirmière
– Priorité n° 7 : E-santé
Les infirmiers souhaitent un investissement fort dans le partage d’informations entre les professionnels de santé intervenant « en ville » et ceux exerçant à l’hôpital. lls veulent une meilleure association des infirmiers au développement de l’E-santé et de la télémédecine; le développement et la systématisation du Dossier Médical Partagé, avec une partie dédiée au dossier infirmier et un dossier relatif à la vaccination.
-Priorité n° 8 : Compétences et responsabilités des infirmiers
Les infirmiers demandent la suppression de l’accès partiel à la profession d’infirmier, qui vient d’être introduit par ordonnance (en transposition d’une directive européenne), et permet à des ressortissants de l’UE d’exercer « partiellement » en France. Ils veulent la mise en place d’une pratique avancée infirmière (niveau master) pour répondre aux besoins de soins non couverts : offre de premier recours, coordination, consultation de suivi, éducation à la santé, organisation du parcours… Et demandent l’élargissement de notre droit de prescription, et de la vaccination sans prescription médicale, afin d’améliorer la couverture vaccinale.
– Priorité n° 9 : Vers de véritables départements de sciences infirmières
Les infirmiers demandent la création d’une véritable filière universitaire en sciences infirmières. Cela doit constituer une priorité dès le début du quinquennat, avec un pilotage interministériel.

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