Bâtiment : Un rapport sénatorial dénonce le poids et l’inadaptation des normes dans les Outre-mer

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Rapport de la délégation sénatoriale aux outremer consacré au BTP
Rapport de la délégation sénatoriale aux outremer consacré au BTP

A l’opposé de ces clichés sur un Sénat vieillissant et endormi, la Délégation sénatoriale aux Outre-mer publie un nouveau rapport qui attaque de front les problèmes du secteur du bâtiment dans les DOM. Comme le précédent rapport sur l’agriculture qui appelait à «acclimater» le cadre réglementaire dans les Outre-mer, celui sur le bâtiment ne s’embarrasse pas d’a priori et regarde la réalité sans détour. Face au «mur normatif», elle propose de transformer les obstacles en atouts.

Si le secteur de la construction et de l’équipement est crucial pour des Outre-mer «confrontés à d’immenses besoins en logements et aménagements structurants», les retards «s’accumulent constamment», la liste des défis «colossaux» est bien longue: «surcoûts liés à l’éloignement et à l’étroitesse des marchés locaux, exiguïté du foncier disponible, climats particulièrement corrosifs et exposition accentuée aux risques naturels, vulnérabilité du tissu entrepreneurial et difficultés d’accès au crédit et à la formation»… Mais à ces nombreuses contraintes, les sénateurs ajoutent «le poids de normes et leur fréquent décalage avec les réalités ultramarines conduisant parfois à des situations ubuesques».

Pour les sénateurs, «si le cadre normatif doit garantir sécurité et traitement égalitaire en matière de confort d’habitat, il ne doit pas constituer un frein à la production. Or, le constat dressé par le présent rapport est malheureusement sans appel».

Redéfinir les priorités pour Mayotte

Concernant Mayotte, le rapport met en évidence «l’absurdité qu’il y aurait à se donner comme objectif la mise en conformité des constructions sur le fondement d’un corpus réglementaire horriblement complexe et totalement inconnu de la population. Hors des marchés publics, cette conformité ne peut sérieusement être contrôlée dans un territoire où la plupart des bâtiments ne dispose déjà pas de permis de construire».

L'hémicycle du Sénat
L’hémicycle du Sénat

Pour les sénateurs, la masse de l’habitat insalubre et indigne dans notre département, «le manque criant de logements, l’occupation illégale massive de terrains privés et l’imbroglio complet de la propriété foncière», sont «les vrais problèmes». «Ils dessinent les priorités qui doivent orienter l’action des pouvoirs publics avant même d’envisager sérieusement la progressive mise en œuvre des réglementations.»

Du concret

Au final, ce sont 35 propositions concrètes que formule la Délégation, d’abord pour «faire cesser les anomalies paralysantes», mais aussi pour «valoriser les ressources locales et les démarches innovantes».

Ces propositions sont rangées en 6 grands chapitres. Elles proposent d’abord de «développer et diffuser l’expertise sur les modes de construction adaptés aux outre-mer», pour caler les règles sur les réalités locales, par exemple «en soutenant le développement de laboratoires et de centres techniques locaux, capables de produire des études et des données fiables sur le devenir des bâtiments en milieu tropical».

Ensuite, le rapport veut «faciliter la certification et l’approvisionnement en matériaux tout en favorisant la coopération avec les pays de l’environnement régional». Par exemple, sur une gamme de produits de base (ciment, plaques de plâtre, charpentes métalliques, en bois, etc.), les sénateurs préconisent de définir «une série de pays fournisseurs de l’environnement régional», par exemple l’Afrique-du-Sud pour notre région.

« Décentraliser les normes »

Chantier à Mgombani (Archives)
Chantier à Mgombani (Archives)

Le document appelle aussi à «envisager le recyclage des déchets de construction à une échelle régionale, ainsi que la réutilisation d’outillage lourds (grues, etc.) sur de grands chantiers dans des territoires voisins pour en amortir le coût.»

Pour «décentraliser les normes», le rapport préconise de constituer trois commissions techniques locales dans les DOM (Guadeloupe-Martinique, Guyane et La Réunion-Mayotte) pour qu’elles préparent une «adaptation des normes professionnelles, notamment des DTU».

Les sénateur veulent aussi que les contrats et les assurance prévoient «explicitement», «la faculté pour les entrepreneurs de s’écarter de certaines normes professionnelles», en l’absence de «version adaptée au contexte ultramarin et validée par une commission technique locale».

Une vaste adaptation

Le rapport veut aussi diffuser l’innovation en délivrant, par exemple des avis techniques valables uniquement dans les DOM selon des procédures accélérées et une instruction locale, pour les produits innovants destinés à un usage en milieu tropical.

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Ne pas uniformiser les styles architecturaux

Les sénateurs veulent revoir les procédures anti-termites, réviser les réglementations thermiques, acoustiques et d’aération, prévoir des dérogations aux règles d’accessibilité des appartements aux personnes à mobilité réduite (PMR) «pour tenir compte de la topographie, de la rareté du foncier et de l’intensité des besoins en logement des outre-mer», en particulier pour des immeubles situés dans des zones de fortes pentes…

Contre l’uniformisation

Enfin, le rapport met en avant le fait de «veiller à la qualité de la construction» et à la maîtrise des surcoûts d’assurance. Ils veulent ainsi que les bâtiments s’inspirent «des styles architecturaux et des modes de construction traditionnels pour éviter l’uniformisation et la standardisation esthétiques de l’habitat.»

Le rapport complet est consultable sur le site du Sénat (par ici). Au moment où la volonté politique est de fluidifier le fonctionnement de l’économie, les sénateurs seraient bien inspirés de ne pas ranger ces précieux rapports mais de les transformer en réalité. L’égalité réelle passe peut-être aussi par une différenciation raisonnée.

RR
www.lejournaldemayotte.com

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