L’agriculture mahoraise doit se réconcilier avec les chiffres

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De nombreux champs sont victimes de vols
Ananas, embrevades, bananiers, jaquiers... Un bel exemple de jardin mahorais à Mtsahara, chez Tanafou Ya Hazi (Photo: DAAF)
Ananas, embrevades, bananiers, jaquiers… Un bel exemple de jardin mahorais à Mtsahara, chez Tanafou Ya Hazi (Photo: DAAF)

Quelles sont les quantités de fruits et de légumes produites chaque année à Mayotte? La question peut sembler anodine et la réponse facile à trouver. Il n’en est rien. Les spécialistes de la Direction de l’alimentation et de l’Agriculture (Daaf) de Mayotte explique dans leur dernière publication que les activités agricoles et d’élevage restent encore très mal connues et complexes à aborder dans le département. Si l’agriculture concerne encore un bon tiers des ménages, soit en activité principale, soit en appoint, essayer d’évaluer les performances chiffrées de l’agriculture mahoraise relève du tour de force.

Premier problème: entre les jachères, l’association de différentes productions sur une même parcelle et les différences de milieu, bien malin celui qui peut donner un chiffre de rendement. Ensuite, les déclarations sont peu fiables du fait de la variabilité des usages et de l’étalement des périodes récolte : les cultures vivrières peuvent être consommées, données, perdues ou vendues dans des proportions différentes selon les ménages. Par exemple, il est difficile pour un exploitant agricole d’évaluer la quantité totale de manioc produite sur une parcelle où il effectue des prélèvements irréguliers étalés sur plusieurs mois.

Un champs de maïs
Un champs de maïs

Enfin, on ne peut pas non plus s’appuyer sur l’étude des ventes du fait en particulier de l’importance du secteur commercial informel.

Pourtant, il est essentiel de recueillir ces informations. Comme l’explique la Daaf, «l’établissement de rendements, de coûts production et de revenus à l’échelle de l’exploitation contribue à une évaluation objective des résultats techniques et économiques des exploitations agricoles, de leurs forces et de leurs faiblesses.»

Des politiques aveugles

Ces informations sont donc la base indispensable à la définition d’actions pertinentes en matière de recherche, pour trouver les meilleures espèces et les méthodes de production les plus adaptées.
Elles sont aussi cruciales pour définir des stratégies et des dispositifs d’aides dans les programmes européens et les dispositifs nationaux.

Enfin, les hommes et femmes politiques ont besoin de chiffres pour répondre à une série de questions centrales: quelles sont les filières qui produisent localement l’essentiel de la consommation? Quelles sont les productions qu’il est possible d’augmenter et comment peut-on y parvenir? Quelles sont les problèmes de qualité identifiés au sein de cette production locale et quelles sont les pistes pour les résoudre? Bref, dans l’agriculture comme dans tous les secteurs, l’information est le nerf de la guerre.

Des agriculteurs référents

Des "agri-référents": une matinée d'échange organisée par la Daaf (Photo: Agreste)
Des « agri-référents »: une matinée d’échange organisée par la Daaf (Photo: Agreste)

Pour tenter de parvenir à disposer de données, la Daaf Mayotte a mis en place plusieurs dispositifs. On trouve le recensement agricole réalisé tous les 10 ans. Il constitue une photographie de la réalité agricole de l’île et le prochain est en préparation pour 2020. Il y a aussi les enquêtes de marché hebdomadaires et de conjoncture biannuelles. Enfin, la Daaf met actuellement en place un réseau d’«Agri-référents». L’idée est de tenter de collecter des données au plus près de la réalité et de prendre en compte les exploitations agricoles dans leur globalité.

Ainsi, les producteurs seront impliqués directement en intégrant un réseau de correspondants agriculteurs. Ils sont déjà une centaine à en faire partie, répartis sur l’ensemble du territoire de Mayotte. Chacun de ces agriculteurs remplit des fiches sur lesquelles il note au fur et à mesure les quantités de produits qu’il a récoltées sur ses champs. Ces données sont confidentielles, couvertes par le secret statistique. Le dispositif vise en premier lieu à évaluer quels produits sont cultivés, en quelle proportion et quantité, en prenant en compte les produits consommés au sein du ménage ou donnés à l’entourage et les produits vendus.

Des informations dans quelques mois

Des terrains agricoles
Quelle production sur les terrains agricoles?

Le dispositif identifie également les pertes dues aux vols et aux ravageurs. «La mise en place du réseau se fait pas à pas», souligne la Daaf, «car pour la plupart des agriculteurs la démarche de pesée des productions et de prise de note est nouvelle. Des documents adaptés de recueil de l’information et un accompagnement renforcé des agriculteurs ont été mis en place».

Ainsi, la Daaf commence à engranger des informations qui permettront de produire des résultats significatifs à la fin d’une campagne agricole complète.
Ces agriculteurs référents sont volontaires mais ils pourraient bénéficier prochainement d’un accompagnement à la comptabilité et à la gestion, dans le cadre du Programme de développement rural de Mayotte.

A Mayotte, il faut savoir que 44% des exploitations font moins de 0,24 hectare. 99% d’entre elles pratiquent des cultures vivrières comme la banane, le manioc ou le maïs et 85 % des cultures fruitières. La mise en valeur des terrains se fait toujours avec très peu d’équipement, et pour la plupart des exploitations, l’outil unique est le chombo. Chez nous, 48% des chefs d’exploitation déclarent être agriculteur à titre principal, ce qui ne les empêche pas d’avoir d’autres activités par ailleurs.

PM
www.lejournaldemayotte.com

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