Le tribunal voit trop gros et relâche le passeur

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L'affaire sordide implique six jeunes filles et un garçon

C’est ce qu’on appelle une affaire qui se dégonfle. Elle avait pourtant de quoi enthousiasmer la justice.
Le 9 septembre dernier, un kwassa-kwassa est intercepté à 8 milles au nord de M’Tsamboro, suite à un écho radar. Le PAF de Pamandzi procède à l’interpellation de l’homme à la barre, un certain Mohamed, âgé de 19 ans.

Pablo Rieu, substitut du procureur
Pablo Rieu, substitut du procureur

Sur son PV d’audition, le jeune homme a tout d’un gros poisson. Il explique être associé d’une « agence » de quatre partenaires, qui a envoyé en deux ans près de 500 kwassas vers Mayotte. Il donne des chiffres, 150€ la traversée, jusqu’à 500€ pour une femme enceinte. 4000€ de revenus en moyenne par voyage, moins les 1000€ de moteur et 500€ pour la barque. 10€ reviennent aux rabatteurs chargés de trouver des passagers. L’homme aurait expliqué avoir effectué une douzaine de rotations, et n’avoir été intercepté que deux fois. De plus, une passagère indique avoir payé directement le pilote.

Mais à la barre, le prévenu conteste ces faits. Il était bien à la barre du bateau, mais affirme n’avoir jamais dit tout cela aux enquêteurs. Il jure qu’il ne comprenait pas tout ce que l’interprète lui disait, et qu’il a signé le PV sans le relire. Selon lui, il n’est qu’un simple passeur. « On m’avait promis 700€ si le voyage se passait bien, je ne sais pas si je les aurai du coup ».Une version qui ne convainc pas le procureur Pablo Rieu. « Soit ce qu’il a déclaré en garde à vue est exact, soit les policiers ont fait un faux en écriture, affirmer cela serait un outrage » plaide en résumé le substitut, qui ajoute des chiffres aux chiffres. « J’ai fait le compte, les 500 voyages ont rapporté 2 millions d’euros, soit un bénéfice net de 1,587 million d’euros. Divisé par 4 cela donne 223 437€ chacun. C’est un business, d’une culpabilité sans équivoque. » Il réclame un an ferme, et 1000€ d’amende.

Enquête incertaine

Mais pour Me Journiac, avocat de la défense, l’accusation ne tient pas debout. Ce jeune de 19 ans, qui a arrêté l’école en primaire, aurait « 223 000€ sur un compte en banque  » ? « Quand on a 200 000€ à Anjouan, on achète un visa et on part à Paris ! Vous n’aurez jamais un chef de réseau sur sa propre barque, poursuit-elle, ce n’est pas crédible ! »

En outre, la procédure ne satisfait pas l’avocate qui souligne que le dossier fait mention de 9 passagers, et non de 15. Elle s’interroge enfin sur la comparution immédiate qui menait le jeune homme au tribunal ce lundi. « Pourquoi une comparution immédiate ? J’ai des dossiers devant le juge d’instruction pour moins que ça. Si on croit sa déclaration, alors ouvrons une information judiciaire ! »

En clair pour elle, son client n’est pas le gros bonnet que le parquet présente, mais un simple passeur, qui a pu mal s’exprimer en garde à vue.
Des arguments qui ont fait mouche. Après délibération, le tribunal s’est montré clément avec l’Anjouanais, le condamnant à 6 mois avec sursis. Il sera renvoyé à Anjouan, et a interdiction de revenir sur le territoire français.
Y.D.

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