Droit du sol, immigration, normes européennes, sécurité, le président Macron a été clair lors de son déplacement en Guyane. Il n’est pas « le père Noël ». Mais le chef de l’Etat affirme n’avoir « aucun tabou ». Voici ce que ses déclarations pourraient changer à Mayotte. « Mayotte est sans doute un des territoires ultramarins les plus en difficulté Nous devrons avoir des règles d’exception » a-t-il exprimé.
Des « mesures dérogatoires » contre l’immigration
Pour Emmanuel Macron, l’immigration est d’abord un problème d’attractivité. Face à l’impossibilité de surveiller toutes les frontières, il souhaite traiter le problème à la racine. Ce, sur deux volets distincts. Premièrement, il veut réduire l’attractivité du territoire guyanais en alignant sur Mayotte le délai sur le territoire pour l’obtention du RSA (soit 15 ans au lieu de 5). Il souhaite mettre les moyens sur la table pour garantir un traitement des demandes d’asile en deux mois, avec un arrêt immédiat de l’allocation de demandeur d’asile et une reconduite à la frontière aussitôt qu’une demande est rejetée.
Le RSA pourrait désormais être versé sous la forme d’une carte prépayée utilisable uniquement en Guyane. Cette mesure permettrait de s’assurer que l’argent de cette aide soit reversée aux commerçants locaux, et non envoyé à l’étranger. En outre, il propose de transférer à l’Etat la compétence du RSA, poids économique pour le Département en Guyane.
Ensuite, il faut selon le Président agir sur la frontière ainsi que de l’autre côté de celle-ci. Comme il l’avait annoncé pour les Comores, il réaffirme son souhait de « préserver les populations là où elles habitent » avec la construction de « centres médicaux hospitaliers de l’autre coté de la frontière ». Une « politique de développement qui fixe les populations et évitent qu’elles ne traversent » selon lui.
Il se dit enfin disposé à investir dans des systèmes de surveillance sans pilote, l’usage de drones pour surveiller la frontière permettant de ne pas mobiliser trop d’effectifs, tout en assurant une « observation permanente et furtive « .
Concernant le droit du sol, là encore Emmanuel Macron affirme n’avoir « aucun tabou ». et évoque la possibilité de « systèmes d’exception » pour les enfants nés en France de parents étrangers, avec l’instauration éventuelle d’un statut international pour ces bébés.
Vie chère
Concernant la vie chère et les normes européennes difficiles à appliquer, le Président dénonce les « comportements prédateurs » de certaines entreprises, notamment dans le BTP. Il affirme en outre que les départements d’outre-mer devraient pouvoir adapter au cas par cas les normes européennes « pensées pour l’Europe continentale, il faut ouvrir ces normes et permettre à chaque territoire d’outre-mer de réussir dans le contexte régional qui est le sien. »
« La vie chère a parfois une explication géographique ou d’organisation. On va développer la souveraineté alimentaire de nos territoires. (…) La direction de la concurrence se déploiera avec force, quelques uns s’enrichissent beaucoup en entretenant la vie chère pour le reste de la population ».
« Mayotte est-elle plus heureuse comme Département ? «
La petite phrase qui a fait le buzz à Mayotte a été perçue comme une remise en cause de la départementalisation. Il y remet plutôt en cause l’application de règles propres aux départements de métropole, qui sont obsolètes ici.
« Est-ce que Mayotte est plus heureux comme département ? Je ne suis pas sur. Ce n’est pas un département comme un fétiche, Mayotte c’est un territoire de la République, pleine et entière. Mais les contraintes d’un département qui seraient comparables à la Creuse ou la Lozère ce n’est pas bon pour Mayotte. Il faut en faire un grand département de la République, un territoire où les règles doivent être adaptées, avec un cadre propre car les défis sont propres à votre territoire. »
Plus de pouvoir pour la police ?
Concernant l’insécurité, la Guyane va, comme Mayotte ces derniers mois, voir arriver davantage d’effectifs de police et de gendarmerie.
Mais le Président souhaite aussi accorder plus de pouvoir à ces effectifs pour désengorger les tribunaux.
« Il faut avoir une réponse pénale adaptée ; sur les actes du quotidien les plus légers, les forces de l’ordre doivent pouvoir sanctionner tout de suite, par une amende ou un acte immédiat, pour ne pas venir engorger nos tribunaux, et ensuite, être intraitable sur les actes les plus lourds ».
Un traitement de certains délits par les policiers ou gendarmes sans passer par un magistrat risque de se heurter à ces derniers ainsi qu’aux avocats, qui verront d’un mauvais oeil l’apparition d’une justice potentiellement expéditive, et dont on voit mal comment elle pourrait garantir les droits de la défense.
Le champ d’application de cette proposition reste donc à définir.
En outre, une circulaire a été émise au ministère de l’Intérieur pour permettre le renvoi systématique des délinquants étrangers dans leur pays d’origine.
Autant de paroles fortes, dont certaines seront rapidement suivies d’effets, et d’autres, suspendues aux Assises de l’Outre Mer, prendront plus de temps. Des mesures qui, si elles montrent leur efficacité en Guyane, ne manqueront pas d’être étudiées à Mayotte où des problématiques similaires sont rencontrées.
Quant à la fameuse question qui est de savoir si Mayotte est plus heureux comme département, la réponse appartient davantage aux Mahorais qu’à celui qui n’y a passé que quelques heures pendant sa campagne. Elle peut aussi faire la joie des professeurs de philosophie qui étudient le bonheur en cours. Peut-être un excellent sujet pour le Bac 2018 ?
Y.D.