Une première ordonnance à retoucher pour le docteur Emery

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Le docteur Grégory Emery
Le docteur Grégory Emery constatait le gros déficit du territoire en matière de santé

Il y aura certainement un avant et un après Mayotte pour Grégory Emery, Sous-directeur adjoint performance à la direction générale de l’offre de soins. Il le confie lui-même, « j’ai évolué dans mes certitudes depuis que j’ai quitté mon confortable appartement parisien ». Il évoquait notamment le numerus clausus, « je pensais que c’était LA solution, avec la création d’une filière de formation mahoraise, mais finalement, avec quelle garantie qu’ils s’installeront ensuite à Mayotte ? » C’est la mesure numéro 50 de la Plateforme de revendications. (Lire Plateforme d_union_v17-290318)

Gageons que Gregory Emery va continuer à évoluer, et sur beaucoup de sujets. En apparence, il n’a pas de réponse toute faite, « je ne propose rien, j’écoute les doléances d’un territoire où il n’y a que 20 pharmaciens, 20 médecins généralistes, 120 infirmières pour 260.000 habitants, c’est le taux de médecin par habitant le plus bas de France ! »

Mais en réalité, il a déjà quelques idées, certaines abondent dans le sens des demandes locales, d’autres non. Face au constat de déficit en santé, il affirme tout d’abord qu’il faut « un renforcement du positionnement stratégique de Mayotte ». Jusqu’à adopter une Agence Régionale de Santé de plein exercice ? Pas sûr : « Certaines petites ARS autonomes ne fonctionnent pas, comme en Corse », glisse-t-il, en vendant plutôt l’idée d’un renforcement de la manière de piloter la politique de santé. (Mesure 46 de la Plateforme).

« Passer à la vitesse supérieure en prévention »

La ministre Agnès Buzyn accueillie par les professionnels de santé au camion Redeca de prévention du cancer du sein
La ministre Agnès Buzyn accueillie par les professionnels de santé au camion Redeca de prévention du cancer du sein, en novembre 2017

Notamment en rééquilibrant la part du Fonds d’intervention régional allouée à Mayotte, qui est actuellement en matière de dépenses annuelles de santé de 900 euros par habitant à Mayotte contre 3.000 euros à La Réunion. « Il faut passer à la vitesse supérieure en terme de prévention en santé publique, dans les domaines de la nutrition, de l’obésité, du diabète, de la santé sexuelle, des addictions aux stupéfiants, beaucoup de facteurs aggravés par les mauvaises conditions de logement et d’accès à l’eau. Il faut trouver rapidement des opérateurs capables d’investir ces champs. » (Une partie de la mesure 45 de la Plateforme).

Ensuite, Gregory Emery souhaite attirer des nouveaux médecins et professionnels de santé. Si le numerus clausus, qui fixe le quotta de reçus à l’issue de la 1ère année, n’est pas la bonne porte d’entrée pour lui, les mesures financières ne le sont pas plus : « Un médecin est attiré par le plaisir d’exercer son métier dans un cadre de vie agréable, notamment avec de bonnes conditions sécuritaires », de quoi accréditer son postulat de départ, qui est aussi à l’origine de la mobilisation sociale, « le système de santé mahorais en peut fonctionner que si une action globale est menée. » En terme de progression du nombre de personnels, il veut se cantonner au Projet Régional de Santé 2018-2022, établi par l’ARS OI.

Remarquons quand même que plusieurs médecins libéraux ont quitté l’île faute de mise en place de l’Aide médicale d’Etat (AME) qui, en prenant en charge les soins des personnes étrangères, leur permet d’accéder aux cabinets privés, et désengorgerait l’hôpital. (Mesure 48)

« Pas de nouvel établissement avant 2030 »

Une partie du personnel du CHM en grève en mai 2017
Une partie du personnel du CHM en grève en mai 2017, un hôpital en tension

L’hôpital de Petite Terre, qui n’est qu’un centre de 40 lits de suite de soins, verra le jour début 2019 (3 ans de travaux), et la modernisation du CHM est en marche, avec un arbitrage entre une reconstruction ou une rénovation, et la conservation d’un site unique, ou d’autres créations, « mais une projection qui ne se fera pas avant 2030 ». Il va donc falloir faire avec les capacités actuelles jusque là.

Pour y arriver, il faut cibler moins de pression sur le CHM, « qui assume une mission sociale comme nulle part ailleurs », et l’idée d’un hôpital en zone internationale refait surface, non pas dans la Plateforme, mais dans la bouche de la ministre des Outre-mer, à la suite de l’appel depuis la Guyane d’Emmanuel Macron sur ce sujet. « Pour l’instant, seules les ambassades et les zones aéroportuaires bénéficie de ce régime d’extraterritorialité. C’est une remise en question du droit du sol. Réfléchissons plutôt à intensifier une offre de soins aux Comores », invitait-il, n’allant donc pas dans le sens d’Annick Girardin. Mais sans doute dans celui de sa ministre de tutelle Agnès Buzyn ?…

Un décalage avec la réalité là du spécialiste santé. Cette proposition n’a jamais été concrétisée depuis des dizaines d’années qu’elle est formulée, et elle ne résout pas la problématique de la recherche d’obtention de la nationalité française après l’accouchement sur notre sol. Or, le médecin le dit lui-même, les naissances ont considérablement augmenté depuis 2014 à Mayotte.

Sur d’autres sujets, des réponses semblent plus favorables, dont la CMU-C, (protection complémentaire santé gratuite), ou une réflexion portée sur un hélicoptère supplémentaire interservices, gendarmerie-santé-sécurité civile.

Le docteur Emery rencontrait ce mercredi une délégation de représentants syndicaux et du Collectif, nulle doute qu’il aura eu un retour de terrain…

Les travaux doivent être menés tambour battants, « le 15 avril, nous devons remettre une définition de propositions au premier ministre ». Et avoir obtenu que les cordons de la bourse soient desserrés, point névralgique des avancées sanitaires pour Mayotte.

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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