Après avoir relayé le discours d’Edouard Philippe, nous avons interpellé en priorité Salim Nahouda, un des leaders de la mobilisation, qui attendaient à la porte de Matignon que leurs élus viennent au rapport. Il déplore le flou du discours : « Certaines annonces ne sont pas nouvelles. En 2014 déjà, le président Hollande nous avait annoncé la CMU-C, et nous attendons toujours sa mise en place », indique celui qui est aussi le président de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte. « Rectorat de plein exercice, ARS, c’est bien, mais rien n’est daté, nous demandons un calendrier. »
Sur le fond lui-même, il y a à redire selon le syndicaliste CGT : « On entend parler de sécurisation de la piste, et non de piste longue, le port de Longoni n’a pas été évoqué, alors qu’Elisabeth Borne, la ministre des transports était présente, le contournement de Mamoudzou nous a déjà été promis, mais jamais concrétisé, quant au réseau routier on ne sait pas si ce sont des créations. »
Ils ont été reçus dans la soirée ce jeudi au ministère des Outre-mer, par le directeur adjoint de cabinet d’Annick Girardin, Brice Blondel. Il s’en est fallu de peu qu’ils se retrouvent dans une même pièce avec Thomas Degos… Comme il y a 7 ans.
Une obole pour le contournement
Dans la foulée du discours ministériel, Rivo, le leader du syndicat SNUipp-FSU, adressait un communiqué aux médias pour se féliciter des annonces d’un rectorat de plein exercice et d’un plan de constructions scolaires dans le premier degré, « après plusieurs années de revendications », mais reste « dans l’attente de précision sur les moyens qui seront alloués au nouveau rectorat de Mayotte, sur les échéances et le volume de constructions de nouvelles salles de classe. »
Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président du CD, faisait partie de la délégation : « Je suis heureux que le cas de Mayotte soit interrogé au sommet de l’Etat, avec des annonces fortes que nous avons âprement défendues, comme l’ARS Mayotte. L’extraterritorialité de l’hôpital n’a été qu’abordée, mais nous sommes d’accord sur la finalité, que les nouveau-nés gardent la nationalité de leurs parents. »
Des annonces complémentaires ont été faites sous les ors du bureau de Matignon : « La somme de 20 millions d’euros sera débloquée pour accompagner l’hôpital, en plus des 172 millions de l’extension. Et 36 millions d’euros seront affectés aux routes. » Par contre, le contournement de Mamoudzou ne passionne pas les foules à Matignon, puisque l’Etat n’y participerait qu’à hauteur de 18%.
Le syndrome guyanais
Issihaka Abdillah, ancien élu du conseil général, est un des plus frileux : « Je salue la solennité de l’instant, de ce discours porté par le premier ministre, c’est déjà une victoire, et les mesures symboliques annoncées. Mais attention, la Guyane avait eu un contenant similaire, sans le contenu ! »
Le compte n’y est pas pour lui en terme de mesures sécuritaires, « c’est une brigade de gendarmerie à Majicavo Lamir, ou une résidence ?! », se moque-t-il, et de lutte contre l’immigration clandestine, « les bateaux intercepteurs arrivent-ils toujours en juillet ? Et nous n’avons pas eu un mot sur la reprise des reconduites. » Des bruits évoquaient l’intention d’aborder au quai d’Orsay la feuille de route avec les élus comoriens, mais il semble que la rencontre avec élus mahorais à 13h n’ait pas eu lieu, et que le déjeuner en présence de Jean-Yves le Drian, ait été annulé
Déplorant l’absence de calendrier, il appelle à « ne rien lâcher lorsque la délégation interministérielle va revenir », jusqu’à mi-mai, notamment sur la piste longue, « les avions à pleine charge ne peuvent décoller. »
Idem, sur le plan économique, « les annonces de relance ne sont pas à la hauteur, il faut aider les communes financièrement, pour qu’elles retrouvent de la trésorerie et qu’elles règlent leurs factures. Et accompagner la pairie à débloquer les sommes mandatées. »
On se doute que le premier ministre n’allait pas décliner les 101 mesures en épluchant les fiches actions, un travail encore long et exigeant, qui est à mener avec les envoyés interministériels à Mayotte. On peut noter quand même, que par rapport à leur arrivée il y a deux semaines, des lignes ont bougé.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com