Présentation du Projet régional de santé : viendra-t-il à bout d’un contexte très dégradé ?

La ministre des outre-mer a annoncé mi-mai que les actions liées au système de santé seraient répertoriées dans le Projet Régional de Santé. Il était présenté au CESEM ce jeudi. Les politiques et acteurs Mahorais devront s’assurer d’un suivi rigoureux, notamment dans les moyens alloués.

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A force de le dire, ça a fini par entrer : la déclinaison du nouveau Projet régional de Santé colle cette fois à la réalité de Mayotte. C’est déjà un premier pas. Dans le dernier bulletin de l’ARS OI, un article parle même de la campagne de vaccination en cours à Mayotte. Peut mieux faire, mais on sent que le vent de révolte de mars à Mayotte n’a pas servi à rien.

Pour tous les territoires nationaux, le premier Projet Régional de Santé est arrivé à son terme fin 2017, et vu l’état sanitaire de notre île, on n’ose même pas en demander un bilan. Ou plutôt si, il était dressé par le constat alarmant fait par Etienne Billot, Directeur général adjoint de l’ARS OI ce jeudi matin, qui ponctuait chaque point par « offre très déficitaire à Mayotte »…

De quoi est donc fait ce nouveau Projet régional de santé Réunion-Mayotte qui va couvrir la période 2018-2022 ?

Tout d’abord, avant son adoption prévue en juin 2018, il est soumis à la consultation d’instances et autorités de La Réunion et de Mayotte : Conférences de Santé et de l’Autonomie de La Réunion et de Mayotte, réunissant chacune près de 100 représentants des services de santé, des institutions, des associations d’usagers, les préfets de La Réunion et de Mayotte, les Collectivités territoriales de La Réunion et de Mayotte, les Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie.

Les qualificatifs de la santé à Mayotte : « Déficitaire » et « saturée »

Abdou Dahalani s’interrogeait sur les moyens de contrôle d’application du PRS

Les huit enjeux de santé du Plan régional de santé, trouvent leurs déclinaisons, (et leurs alertes !) à Mayotte, comme l’expliquait Etienne Billot.  La Santé des femmes, du couple et des enfants, met en évidence « la capacité de prise en charge des accouchements plus que saturée, la difficulté de fonctionnement des Protection Maternelle Infantile (PMI) en suivi de grossesse et pour les tout-petits, la campagne vaccinale massive de rattrapage tente de rattraper les manques ».

La Santé des jeunes qui compose la moitié de la population, « dépend d’un contexte socio-économique fragile, de l’insuffisance des ressources médicales et paramédicales, d’une santé scolaire déficitaire sur les visites médicales.

Une mauvaise Santé nutritionnelle qui provoque dénutrition et retards de croissance, avec « des aliments trop peu diversifiés ».

La Santé des personnes âgées et handicapées qui souffre d’un « retard important de prise en charge », une Santé mentale pour laquelle l’offre est très déficitaire en personnel mais aussi en prévention, les Maladies chroniques qui révèlent des risques infectieux classiques, mais aussi des diabètes révélés comme 4 fois plus importants qu’en métropole par l’INSEE, une Santé environnementale engluée par la précarité des conditions de vie au sein d’habitats indignes ou insalubres, et une Veille sanitaire compliquée par les flux de population véhiculant des maladies infectieuses.

Quelles garanties ?

Ce n’était pas une partie facile pour Etienne Billot

Un tableau très sombre donc, car pire que de partir de zéro, il faut veiller aux conséquences des déficiences actuelles, comme ce fut le cas pour les vaccinations.

Beaucoup de pistes pour pallier ces déficiences, au cœur d’un plan présenté aux élus du Conseil économique, social et environnemental (CESEM) qui le trouvaient ambitieux, « mais avez-vous les moyens de ces objectifs, et surtout, quels indicateurs avez-vous mis en place pour en contrôler leur réalisation ? », interrogeait le président du CESEM, Abdou Dahalani. Si Etienne Billot se voulait rassurant, le passif de confiance est tellement important qu’il proposait de faire un point annuel devant le CESEM.

Et parce qu’il faut commencer par un bout, outre les grossesses et le suivi des nourrissons qui appellent à une coordination PMI-Secteur libéral-secteur hospitalier, la prévention de la malnutrition des enfants a été évoquée, qui passe par la qualité des collations, souvent l’unique repas pris par les jeunes dans la journée, « il faut de vrais services de restauration scolaire », convenaient les participants. Mais aussi la lutte contre la « malbouffe », alors que des aliments de seconde catégorie inondent les territoires d’outre-mer comme l’a dénoncé ce mercredi la député Ericka Bareigts.

Un mois pour une biopsie

Pour Dominique Marot, rien ne pourra s’améliorer tant qu’il faudra attendre un mois pour une consultation, « notamment pour faire une biopsie », un mois pendant lequel la maladie progresse : « Nous cotisons pour avoir accès au système de santé, mais bien qu’assurés sociaux, les Mahorais en sont exclus. Ce dont convenait Etienne Billot, qui évoquait « un système de santé saturé », et la mise en place pour les assurés sociaux de consultations sur rendez-vous dans les dispensaires, « un volet du PRS porte aussi sur l’attractivité des personnels de santé notamment de spécialistes en cancérologie. Pour l’instant, des missions spéciales sont organisées depuis le CHU de La Réunion. »

Un système de santé proche de celui de La Réunion, c’est le rêve d’Abdou Dahalani, on en est loin. Pas besoin de plan pour s’apercevoir des failles provoquées par le déficit d’attractivité et la pression migratoire, deux points qu’il faut mettre sous contrôle avant d’espérer avancer.

Un espoir demeure, l’annonce d’Annick Girardin du doublement de l’enveloppe allouée au Fonds d’Intervention Régional qui a brimé le programme de santé de Mayotte toutes ces années, et qui sera porté de 7,5 à 11,7 millions d’euros cette année, puis 15,6 millions d’euros en 2019.

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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