Amende maximale requise contre l'ancienne cheffe de la DEAL de Mayotte

L'ancienne secrétaire générale de la DEAL de 2009 à 2013 comparaissait ce mercredi pour concussion, faux et usage de faux, harcèlement et construction d'une piscine sans autorisation. La procureure a requis une peine exemplaire : 12 mois de prison avec sursis et l'amende maximale prévue par la loi, soit 75 000€.

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Le jugement sera rendu dans deux semaines, le 25 juillet, mais les réquisitions sont lourdes : 75 000€ d’amende et 12 mois de prison avec sursis. Aussi lourdes que ce dossier de plusieurs centaines de pages qui a défrayé la chronique pendant plusieurs années.
Lourds aussi, les moyens engagés par la mise en cause, Brigitte Renaudon, pour assurer sa défense. L’ancienne cadre de la DEAL, qui se dit en surendettement, s’est offert les services de William Bourdon, un des avocats les plus célèbres du barreau de Paris, jadis défenseur d’un des fils de Muammar Khadafi, Hannibal. L’avocat était accompagné d’un associé, Me Vincent Brengarth.

Le ténor du barreau William Bourdon avait un avion à prendre. Le procès a dû éluder certains points comme l’expertise psychologique de la prévenue.

Un dossier lourd qui aura été exposé dans une audience allégée. En effet, les deux pénalistes devaient décoller pour Paris à 15h15, obligeant les parties à un esprit de synthèse, au risque d’amputer de certains éléments clés la publicité des débats.

En résumé, les faits reprochés à l’ancienne secrétaire générale de la DEAL portent sur quatre points. Le premier, ce sont ces primes indues, pas moins de 98 000€, qu’elle a perçues lors de son passage à Mayotte. Prime de déménagement, prime d’encadrement. La prévenue a à l’époque bénéficié d’un flou juridique sur sa position qui rend compliqué de définir ce à quoi elle avait en effet droit, selon ses avocats. Il lui était aussi reproché d’avoir falsifié des bons d’achat de billets d’avion en première classe, aux frais de la DEAL, et non achetés avec ses points fidélité comme elle l’avait d’abord affirmé.

Le président Banizette a eu toutes les peines du monde à mener l’audience dans les temps, avec une prévenue qui se perdait dans ses déclarations

La piscine est unanimement reconnue comme « la montagne qui a accouché d’une souris ». Elément qui avait cristallisé l’exposition médiatique de l’affaire, cette piscine bâtie puis remblayée sans autorisation pose surtout la question de la « bonne foi » de l’ancienne responsable de la DEAL qui jure qu’elle ne savait pas qu’il lui fallait un permis de construire.
Les accusations de harcèlement portaient sur cinq agents, qui la décrivent comme autoritaire, insultante, le tout dans une ambiance teintée de chantage et de menaces. Ce qu’elle nie farouchement. Des accusations auxquelles les deux ténors du barreau opposent les témoignages élogieux d’autres collègues qui la décrivent plutôt comme « dynamique ». Selon Me Bourdon, le harcèlement est subjectif et pourrait n’être que « l’illustration de son excellence ».
« Il y a eu une forte dégradation du climat social » note toutefois le président Banizette « ce qui a motivé une enquête administrative ». Une enquête qui a mené à la destitution de l’ancienne patronne de la Direction de l’Equipement, puis à sa mise en examen.

A l’audience, la prévenue jure n’est « pas une femme d’argent ». Selon elle, les dizaines de milliers d’euros versés indûment, elle ne les a pas vus, puisqu’ils étaient versés sur un compte épargne, et que n’étant « pas une technicienne », elle ne s’occupait pas des primes.
L’enquête démontre toutefois qu’elle a fait des demandes répétées pour s’assurer de percevoir lesdites primes. Notamment une aide controversée pour aider son compagnon à la rejoindre à Mayotte, alors qu’elle avait déjà fait valoir un rapprochement de conjoint pour avoir son poste. Là encore, elle « jure » à la barre qu’à l’époque, elle ne voyait pas la contradiction.
Sans être une femme d’argent, elle a néanmoins saisi le défenseur des droits pour percevoir une indemnité de changement de résidence pour plus de 10 000€ versée en trois fois

Le dossier vaut son pesant de papier

. Si ce dernier lui a accordé la légitimité de ce droit, deux formulaires qui lui sont parvenus n’étaient soit pas signé pour l’un, soit porteur d’une signature falsifiée du directeur adjoint de la DEAL pour l’autre. Difficile de prouver sa responsabilité selon les deux avocats parisiens, mais tous ces éléments ébranlent la bonne foi qu’a tenté de faire valoir Mme Renaudin, et les magistrats n’ont eu de cesse de le lui signifier. D’autant qu’à chaque question, la prévenue digresse, explique avec des détails peu utiles, et systématiquement, relève la procureure, « tend à se défausser et à accuser les autres ». Des réponses longues, trop longues dans une audience marquée par l’avion à prendre. « Ca commence à m’agacer » finira par lâcher l’avocat vedette, qui a finalement quitté l’audience avant la fin pour rallier l’aéroport.
La phrase qui aura peut-être coûté le plus cher à l’ancienne responsable, c’est quand, interrogée sur ces primes, elle explique que tout le monde en touchait. « Je ne voulais pas être lésée par rapport aux autres », lâche-t-elle, amère. Au risque de laisser penser que puisque tout le monde piochait dans la caisse, pourquoi se gêner.

Les juges se sont donnés deux semaines pour trancher sur les différents volets de l’affaire, après un procès lors duquel la prévenue a eu toutes les peines du monde à convaincre. Et donc les avocats ont été réduits à réclamer « de la bienveillance ».

Quelle que soit la décision qui sera rendue, l’audience aura eu l’avantage de « faire ressortir un certain nombre de pratiques au sein de la DEAL », selon la procureure Emilie Guegan. « Il y a eu une gabegie, un grand n’importe quoi, des comportements que l’on peut qualifier de déplorables, c’est désastreux pour l’image de cette institution. »

Y.D.

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