Les félicitations pleuvaient sur la tête d’Issa Issa Abdou, et ce n’était pas pour lui déplaire. L’élu en charge du social revenait quand même ce mardi sur le parcours du combattant qui fut le sien, il a fallu faire évoluer les mentalités : « On va encore entendre des critiques pour dire que le dispositif AEMO s’adresse aux enfants difficiles, et je reste poli. Il y a deux écoles, soit on ne fait rien parce que ces enfants viennent d’ailleurs, et on voit le résultat de ces années d’inertie, avec la multiplication des actes d’incivilités. Soit on décide de mettre en place des actions pour s’en occuper, ramenant le calme au bénéfice des Mahorais, et, accessoirement, on investit ainsi la compétence du Département. » Ce qu’il illustrait en citant Jean-Jacques Rousseau, « Toute méchanceté vient de faiblesse, l’enfant n’est méchant que parce qu’il est faible; rendez-le fort, il sera bon ».
L’élu revenait sur la démarche de renforcement des équipes qui a précédé l’élaboration du Schéma de l’enfance, qui a abouti à la mise en place de plusieurs dispositifs dont l’AEMO, géré par Mlézi Maoré (ex-Tama). Le siège était inauguré ce samedi, prés du lycée Bamana à Mamoudzou.
Son activité a commencé depuis le mois d’avril puisque les 6 éducateurs qui y travaillent prennent déjà en charge 110 jeunes. Ils ne sont pas hébergés, et continuent à vivre dans leurs familles quand c’est possible, « s’ils y courent un danger, ils sont placés en familles d’accueil », précise Hélène Le Hir, directrice de Mlézi Maore, qui prend donc le relais du conseil départemental sur ce sujet. « Quand on n’a pas de technicité en interne, il faut savoir déléguer », rapportera Issa Abdou.
Reconduites de mineurs étrangers isolés aux Comores
Mlézi a fait ses preuves, « nous avons besoin des associations qui s’adaptent mieux que les institutions aux changement de la société », déclarait en écho Dominique Fossat, Secrétaire général adjoint de la préfecture. Il soulignait « l’engagement réel du Département dans ce secteur vital à l’équilibre social de Mayotte ». Une dynamique de « partenariat et de confiance » qui s’est instauré entre l’Etat et le Département sur ce sujet, matérialisée par « les transferts de compétence et de rattrapage financier de la part de l’Etat, en 2017, 2018 et qui se prolonge en 2019 ». Visiblement une complicité existe entre les deux hommes, rare entre la préfecture et le conseil départemental, « je remercie l’implication d’Issa pour la qualité de son travail », glissera-t-il.
En réponse à Issa Abdou qui alertait l’Etat sur sa mission régalienne en matière d’immigration clandestine, notant que si des efforts étaient faits par le Département sur la prise en charge des mineurs, il fallait en stopper l’entrée sur le territoire, Dominique Fossat déclarait qu’il fallait travailler sur des reconduites de mineurs isolés étrangers aux Comores « dans une logique de regroupement familial. » Un point crucial qui se heurte à la loi qui interdit toute reconduite de mineurs isolés non accompagnés, mais qu’il faudra bien résoudre.
Ce dispositif d’AEMO est censé pouvoir gérer jusqu’à 400 mineurs, le staff des éducateurs sociaux sera étoffé en proportion. Mais il manque toujours des places pour les enfants en danger, « la Maison Educative à caractère sociale (MECS) dont l’appel d’offre se termine le 24 septembre, offrira une capacité supplémentaire. »
« Cinq signalements supplémentaires »
Le talon d’Achille du Département dans le secteur du social, c’est la prise en charge des signalements d’enfants en danger, « nous sommes mauvais », confirme une nouvelle fois Issa Abdou. Mais les choses pourraient évoluer comme l’explique Abdou-Lihariti Antoissi, Directeur de la Protection de l’Enfance (DPE) qui effectue les missions de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) : « Une responsable de la Cellule de Recueil d’Informations Préoccupantes (CRIP) vient d’être nommée, il s’agit de Cécile Capmartin, et de nouveaux éducateurs seront recrutés, il en faut 9 quand il n’y en a que 6. »
Toute personne peut signaler un cas qui l’interpelle, et contacter le service*. Une évaluation sera faite, le jour même dans le cas d’un danger, « le mineur est aussitôt mis à l’abri », et sous deux mois s’il n’y a pas de danger imminent, « c’est là que nous devons améliorer la prise en charge, car nous dépassons le délai. » Abdou-Lihariti Antoissi attend impatiemment l’installation des MECS, « l’augmentation de la capacité d’accueil va nous faciliter la tâche. » Pendant que nous parlons, le téléphone de Cécile Capmartin sonne, « il faut prendre en compte cinq signalements supplémentaires », glisse-t-elle.
Nous laisserons le mot de la fin à Issa Abdou : « L’enfance, c’est une chance, mais à Mayotte c’est devenu un peu plus compliqué. Ce sera une chance si on y travaille vraiment. »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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