Yazid Kherfi, universitaire et ex-braqueur : « Il suffit d’une rencontre et tout bascule »

« La bande, c’est une famille par défaut »… De passage à Mayotte, Yazid Kherfi évoque sa descente dans la délinquance et de sa reconversion dans la prévention, « je voulais leur montrer que je pouvais être quelqu’un de bien ». Il inaugurait la mise en place ici de sa méthode de médiation Nomade.

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Yazid Kherfi: "Il faut aller au devant des jeunes des quartiers"

Son camping-car patrouille dans les quartiers populaires, notamment celui de Mantes-La-Jolie, dont il est originaire, et le petit film qu’il diffuse le montre en présence de jeunes désœuvrés, en voie de basculer dans la délinquance si ce n’est déjà fait. « Il faut que tu t’occupes, tu ne peux pas rester à rien faire », leur conseille Yazid Kherfi d’une voix forte. La même voix puissante qui porte dans la salle de la Direction, de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DJSCS) ce mardi. Il y présentait son dispositif de médiation Nomade, convié par l’association MAN, Mouvement pour une alternative non-violente, qui œuvre auprès des publics en difficulté, grâce à un soutien technique et financier de la DJSCS.

Une médiation qui repose sur son expérience : « Elevé dans une famille où mes frères et sœurs étaient préférés car bons élèves, quand moi j’étais qualifié de ‘bon à rien’, je trainais dans le quartier du Val-Fouré, à Mantes-La-Jolie, les seuls à m’avoir tendu les bras, c’était des délinquants. La bande, c’est une famille par défaut. » De vols de voitures en braquages, il plonge pendant 15 ans dans la délinquance, « une formation professionnelle efficace ! » Mis bout à bout, il passera 5 ans derrière les barreaux, « normal, les lois sont là pour nous protéger. »

Lorsque le préfet de l’Oise prononce son expulsion, sa famille se mobilise pour le défendre, et un magistrat l’incitera à relever la tête, « vous avez du potentiel, vous êtes intelligent », l’interpelle-t-il, ce qui l’ébranle, « à 31 ans, on me parlait de mes qualités. Je me suis dit, pour leur faire plaisir, je deviendrai quelqu’un de bien. Tout bascule à cause d’une rencontre ».

« L’argent, c’est rien à côté ! »

Les jeunes bénévoles de l’association MAN

Son chemin vers les actions de prévention, « pour éviter aux jeunes de tomber dans la délinquance », commence par un poste d’animateur dans une maison des jeunes, puis il passe par la Validation des Acquis de l’Expérience pour décrocher sa licence de Sciences de l’Education, mention très bien, et son diplôme d’expert en sécurité intérieure, même mention. Il est maintenant membre du Conseil économique et social, a travaillé avec l’ex-ministre Taubira, et a été nommé par le premier ministre membre du conseil national des villes.

La médiation Nomade de Yazid Kherfi a déjà visité 260 quartiers du pays, « c’est le soir que le jeunes ne vont pas bien, qu’ils ont besoin de discuter. Or, si les jeunes sont délinquants, c’est que les adultes sont défaillants. Nous apportons des jeux, du thé, de la musique, et nous discutons. » Ils leur dit combien il a perdu dans les braquages, son meilleurs amis, sa famille qui s’éloigne, « l’argent c’est rien à côté ! ». Et ils redonnent du baume aux cœurs aux associations de quartiers, « certaines ont du mal ». Des jeunes ont pu rencontrer des agents de la Mission locale au cours d’une soirée, « et le lendemain, il était en entretien avec lui pour renouer avec le marché de l’emploi. »

Il a décidé d’aller « au devant des jeunes », son action est financée par le Commissariat général à l’Egalité des Territoires.

Vendredi soir à Kawéni et Kavani

Le camping car au cœur des quartiers

C’est donc l’association MAN qui va prendre le relais à Mayotte, en visant deux premières zones d’action, Koungou et Kawéni-Mamoudzou après les semaines de formation des équipes à la résolution de conflit par la non violence : « Nous voulons toucher les parents et les grands-parents en même temps que les jeunes », explique Christine Raharijaona, présidente du MAN. Le premier déplacement se fera ce vendredi de 18h à 22h, « nous commencerons par Kawéni pour enchainer sur Kavani ». Un contact devrait être noué avec les associations qui œuvrent dans ces quartiers.

Ils seront une vingtaine, vêtus d’un tee-shirt bleu, à se rendre auprès des jeunes tard le soir. Quatre sont volontaires du service civique, les autres sont des bénévoles, « mais nous pensons qu’il n’y aura pas de problème de violence. » Des jeunes en service civique de la Police nationale pourraient également être sur place. En charge du bureau Prévention Partenariat de la police justement, Thierry Lizola voit cette action d’un bon œil, « qui s’inscrit dans les objectifs de la police de proximité au quotidien. »

En métropole comme à Mayotte, la solution serait d’introduire de la mixité sociale dans ces quartiers, « c’est l’objectif de tous les projets de rénovation urbaine ? Mêler les publics, c’est une nécessité », conclut Yazid Kherfi. Il intervenait ce mardi au Centre pénitentiaire de Majicavo.

Avec un mini budget trop maigre pour acheter un véhicule Nomade, l’association MAN organise une soirée dansante de levée de fond le 3 novembre 2018 à la piscine du Koropa, « avec la présence de chanteurs locaux ».

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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